Page:Revue des Deux Mondes - 1842 - tome 32.djvu/498

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
494
REVUE DES DEUX MONDES.

pour défrayer les transactions dans une contrée où le mouvement des exportations et des importations réunies excède pourtant 400 millions de francs. Le commerce ayant peu de besoins, la spéculation a dû se porter sur le crédit industriel. Or, la banque ne prête pas à l’industrie sous la forme de papier monnaie parce qu’il y aurait trop de danger à représenter par un signe dont la valeur est incessamment exigible des créances dont on devra, pendant de longues années peut-être, attendre le remboursement.

Ce qui constitue l’originalité de la Belgique, c’est donc cette prédominance du prêt à long terme dans la constitution du crédit. Le crédit y est commanditaire dans toute la force du terme ; les banques fondent des usines ou donnent une impulsion nouvelle aux fabriques établies. La Banque de Belgique, qui a voulu mener de front, au moyen de ses émissions, l’escompte du papier de commerce et les placemens industriels, n’a pas tardé à éprouver des embarras dont le gouvernement a lui-même reçu le contre-coup et cette catastrophe n’a pas peu contribué à augmenter l’éloignement des Belges pour le papier-monnaie.

La Société générale, véritable banque instituée en 1822 au capital de 50 millions de florins, dont 20 millions étaient représentés par des immeubles et 30 millions par soixante mille actions, chacune de 500 florins, est devenue la base de cette organisation. Avec un capital aussi considérable, accru d’une réserve de 20 millions, elle ne peut émettre des billets au porteur que jusqu’à concurrence de 40 millions de francs. Depuis la révolution de 1830, la Société générale s’est agrandie et fortifiée entre les mains de l’homme habile qui la gouverne. M. de Meus a créé autant de succursales et de colonies, plusieurs autres associations. Le premier de ces rejetons fut la Société de commerce, fondée en 1835 au capital de 10 millions de francs, qui devait, aux termes de ses statuts, faire des avances sur marchandises et même exporter pour son propre compte les produits des manufactures belges, mais qui s’est livrée de préférence à des spéculations sur les houillères, sur les hauts fourneaux et sur les chemins de fer. La Société nationale, émanation plus récente du même patronage, qui agit avec un capital de 15 millions, a porté son action sur les manufactures de glaces, de cristaux, de tapis. Nous ne parlons pas de la Société de capitalistes réunis, conception remarquable qui consiste à appliquer aux chances de l’industrie les principes de l’assurance et de la mutualité ; car cette combinaison n’a pas pour objet de stimuler la production et n’est qu’un moyen de régulariser les produits du travail.

Si l’on additionnait les capitaux qui appartiennent nominalement à la Société générale, à la Société de Commerce et à la Société nationale, on trouverait un total de 150 millions de francs ; mais il s’en faut que cet énorme capital demeure disponible entre leurs mains. On ne doit pas oublier que le capital de la Société générale a été immobilisé jusqu’à concurrence de

    montré peu d’empressement à recevoir ce papier comme argent. » (Briavoine, De l’Industrie en Belgique.)