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nistration s’occupât sérieusement, sincèrement, des moyens d’associer à son œuvre l’industrie et les capitaux des particuliers. Hélas ! par les raisons qu’on a dites mille fois et que tout le monde sait, nous en désespérons presque. Il y a crainte et défiance d’un côté, esprit de corps et habitudes despotiques de l’autre, et le pays centraliste et moqueur applaudit au pouvoir et rit des mécomptes de ceux qu’il appelle les spéculateurs.

La lettre de lord Aberdeen aux commissaires de l’amirauté a quelque peu réveillé la question du droit de visite. Ce document contient des aveux précieux dont sans doute notre diplomatie saura tirer parti, et nous devons vraiment savoir gré au gouvernement anglais des instructions qu’il donne à ses agens. Il fait rentrer dans ses justes limites l’exécution des traités en vigueur, et en même temps il fournit aux gouvernemens qui ont traité avec lui des argumens sans réplique pour exiger une surveillance plus active et de plus solides garanties. Il est possible que lord Aberdeen n’ait considéré sa lettre que comme un moyen de calmer des alarmes, de mettre fin à des réclamations qui pouvaient compromettre l’existence même des traités. Il a fait, dans ce cas, ce qu’un ministre anglais devait faire : chacun son rôle. Voudrions-nous que le pape se fît encyclopédiste, et le grand-turc anachorète ? Il appartient aux autres gouvernemens de voir si les mesures du gouvernement anglais suffisent pour les rassurer et garantir à la fois leurs intérêts et leur dignité.

Quant au traité de 1841, nous croyons qu’il n’en est plus question, qu’il ne peut plus en être question pour nous. Il nous est même difficile de comprendre pourquoi le protocole reste plus long-temps ouvert. Ce n’est pas à la France à demander qu’il soit fermé. Ce protocole est un acte auquel elle est étrangère. On le lui a laissé ouvert ; elle a déclaré qu’elle n’adhérerait pas ; son rôle est achevé. C’est aux signataires du traité à voir s’il est de leur dignité de persévérer dans une attente inutile et de ne pas clore définitivement leur procès-verbal. Nous sommes convaincus que l’une ou l’autre des puissances signataires ne tardera pas à demander la clôture. Quoi qu’il en soit, le traité de 1841 est non avenu pour nous, et il n’y a pas de cabinet qui pût avoir la pensée sérieuse de le proposer à la France.

Ainsi que nous l’avions prévu, l’évacuation de l’Afghanistan paraît un point décidé. En ménageant l’exécution de cette mesure, en évitant toute précipitation, en concluant un traité, le gouvernement anglais atténue l’effet moral de la retraite, il obtient la délivrance des prisonniers et laisse dans le pays des germes qu’il se réserve sans doute de féconder plus tard. L’essentiel pour lui dans ce moment, c’est de liquider le moins mal possible l’héritage qu’il a dû accepter. Pour dégager ses ressources, il simplifie la question aux États-Unis, dans l’Inde, partout où cela est possible. Le revenu du dernier trimestre n’a que trop justifié les résolutions prévoyantes et fermes du cabinet. Il a encore de grandes difficultés à vaincre. Sir Robert Peel a eu le courage de pousser son parti dans des voies contraires à ses intérêts matériels et immédiats. C’est un noble courage. Mais ce qui a été fait ne paraît pas suffire au