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L’ANGLETERRE ET LE MINISTÈRE TORY.

manifesté de relever le parlement. Sir Robert Peel, ce n’est pas la première fois qu’il le prouve, est un des ministres les plus vraiment parlementaires qui aient jamais existé. C’est ce qui le détermina, en 1839, à blesser profondément ses amis en s’unissant cordialement au ministère whig, qui défendait les priviléges de la chambre des communes contre les cours de justice. Sir Robert Peel pourtant, après avoir soutenu M. Roebuck dans son enquête, ne le soutint plus dans les résolutions qu’il crut en devoir faire sortir, et qui n’allaient à rien moins qu’à suspendre indéfiniment l’élection de cinq bourgs. En revanche, il prit ouvertement sous sa protection, et se chargea de faire passer en l’absence de lord John Russell, son auteur, un nouveau bill contre la corruption électorale. L’objet principal de ce bill, c’est, d’une part, de déclarer formellement que toute dépense faite à l’occasion des élections et dont un électeur profite directement ou indirectement est un fait de corruption ; de l’autre, de mettre le parlement à même, quand une pétition est abandonnée, de continuer d’office les poursuites, et d’arriver ainsi à la preuve des faits, malgré tout compromis. Ce bill, qui a passé avec quelques mutilations et quelques atténuations, aura-t-il beaucoup plus d’effet que tous ceux qui l’ont précédé ? Il est permis d’en douter. Cependant il a, quant à présent, jeté un certain désordre et de certaines inquiétudes parmi les entrepreneurs habituels d’élections. On en a eu récemment une preuve remarquable. Il y a un bourg, celui d’Ipswich, qui, aux élections générales, avait nommé deux réformistes, et dont les opérations ont été annulées pour cause de corruption. Se ravisant alors, il a nommé deux conservateurs, mais dont l’élection s’est trouvée entachée précisément du même vice, et qui ont perdu leur siége comme leurs prédécesseurs. D’après cela, les électeurs libres et indépendans d’Ipswich ont dû procéder à un troisième choix, et quatre candidats, deux de chaque côté, s’étant présentés, ces électeurs pouvaient se flatter que leur vertu allait recevoir une troisième récompense ; mais les deux candidats whigs, après avoir tâté le terrain, se sont aperçus qu’ils ne pouvaient rien faire sans tomber sous le coup du dernier bill : ils se sont donc retirés, laissant la place aux conservateurs, qui ont été nommés après une lutte sans danger. Si les whigs n’eussent pas pris ce parti, il eût fallu, selon toute apparence, procéder à une quatrième élection, et l’on eût eu cet étrange spectacle d’un corps électoral qui trouve d’autant plus à se vendre qu’il s’est plus vendu, et dont toute la punition est de tirer de sa marchandise quatre profits pour un.