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le soin de se tirer comme elle peut des embarras qu’ils lui donnent. Quoi qu’il en soit des subtiles combinaisons des cabinets, l’industrie et le commerce se réuniront au sentiment religieux et au génie des temps modernes pour imprimer aux affaires de l’Orient un mouvement rapide, une allure décidée.

M. Olozaga est de retour à Madrid. Il paraît que dans son passage à Paris il n’a pu rien conclure avec le gouvernement français. Les choses resteront sur le pied actuel peut-être long-temps encore. Redisons-le : à un certain point de vue, ce résultat n’a rien de fâcheux. Les relations entre les deux pays se rétabliront plus solides et plus intimes lorsque l’Espagne aura vu par une longue épreuve que la France n’a aucune envie de s’immiscer dans les affaires de la Péninsule, qu’il lui convient parfaitement de rester simple spectatrice du drame fort embrouillé, vrai drame espagnol, qui se joue de l’autre côté des Pyrénées. En attendant, rien ne marche en Espagne, dans le monde politique du moins : tous les partis paraissent également frappés d’impuissance ; tous ont eu leur journée, leur triomphe, et nul n’a pu profiter de la victoire. C’est là le génie du pays. L’Espagne ne peut être comparée qu’a elle-même. Toutes les analogies sont trompeuses. Les Espagnols, eux aussi, se sont trompés en croyant pouvoir mesurer les phases de leur révolution sur celles de la révolution française. Ils ne songeaient pas à la profonde diversité des élémens constitutifs des deux pays. L’Espagne ressemble à la France comme Espartero à Napoléon, comme l’inaction à l’action, comme un cheval de course au hamac où l’on se balance aux heures brûlantes de la sieste. Le soleil de juillet avait dispersé les députés espagnols, la disette du trésor les rappelle. La régence va de nouveau se trouver en présence des agitations parlementaires avec un ministère fort peu parlementaire et quelques échecs qui n’en ont certes pas rehaussé la puissance morale. L’Europe sait, l’Espagne aussi, que le régent s’était adressé aux puissances du Nord, et que ses envoyés ont été rudement repoussés. On les a traités comme on traitait, il y a vingt ans, les envoyés de la révolution napolitaine. Les refus qu’on a essuyés ont dû blesser l’orgueil espagnol, et peut-être demandera-t-on compte au ministère d’Espartero de ses vaines démarches, de l’échec qu’il est allé chercher à Joannisberg. C’était en effet un singulier oubli de sa propre situation et de celle des puissances du Nord que cette tentative d’Espartero. Comment ne pas comprendre qu’en traitant avec lui, les puissances du Nord auraient reconnu, accepté ce qu’elles abhorrent le plus, un mouvement révolutionnaire, le mouvement de septembre, l’expulsion de la reine Christine, le quasi-avènement d’un soldat ? Sans doute il est des révolutions qu’elles ont reconnues. Les gouvernemens absolus, les gouvernemens qui se prétendent seuls légitimes, transigent, eux aussi, avec la nécessité ; leurs principes plient sous la force des choses. La Prusse traitait à Bâle avec la révolution française. C’est un exemple qui a été suivi mainte fois, hier encore. Qu’est-ce à dire ? Que toute révolution est acceptée ? Nullement. Ils acceptent les révolutions qu’ils ne peuvent pas braver sans danger. Que leur importe l’état intérieur de l’Espagne, la situation d’Espartero, lorsque la France s’abstient, et que l’Angleterre, ne songeant, en