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GOETHE ET LA COMTESSE STOLBERG.

tantisme austère et rigoriste du nord de l’Allemagne ; on comprend dès-lors quel coup dut lui porter la conversion éclatante de l’un de ses principaux membres au catholicisme. Cependant, si cruelle que fût cette épreuve, dont le scandale s’était emparé, la famille en ressentit moins d’indignation que de tristesse ; on raconte même qu’une sœur de Frédéric-Léopold suivit l’impulsion donnée et se fit catholique, pensant, dans son fraternel entraînement, qu’une religion que son frère bien-aimé s’était choisie devait avoir pour elle des trésors de grace et de consolation que les autres ignorent. Mais le sens protestant du Holstein ne tarda pas à reprendre ses droits, et quinze jours s’étaient à peine écoulés depuis sa conversion que la catéchumène irrésolue revenait à son ancienne croyance. Il y eut un moment où les querelles de religion semblèrent revivre. Le vieux protestantisme, mis en émoi par de nombreuses et de solennelles défections, releva la tête pour se défendre, et plus grandissait chez les uns cette fièvre de conversion, plus les autres jetaient feu et flamme. Vainement Goethe essaya de rétablir la paix entre les deux partis en s’écriant que dans le royaume de l’autre monde il y avait plus d’une province. Ces belles paroles, que nous retrouverons tout à l’heure dans sa dernière lettre à la comtesse Auguste, loin de calmer les esprits suscitèrent chez les partisans de l’orthodoxie les réclamations les plus vives. L’impulsion était donnée, et pendant quelque temps les passions religieuses occupèrent à elles seules cet enthousiasme que les sentimens de nationalité devaient, avec plus de raison, enflammer peu après. Comme on pense, dans ce conflit universel, Goethe eut plus d’un assaut à soutenir ; sa répugnance insurmontable à se mêler à tous débats de ce genre, l’attitude froide et réservée qu’il affectait, son ironique indifférence, finirent par lui valoir les attaques des deux partis. Ce que voyant, il n’en devint que plus impassible et n’eut pas même l’air de s’en apercevoir, un peu semblable au commandant de cette forteresse construite au dernier pic du Iungfrau, et qui, tandis qu’on le bombardait de la vallée, laissait faire, bien certain que l’orage ne monterait pas jusqu’à lui. Plus d’une épigramme ayant trait à cette époque, et qu’il décochait d’en haut, comme on décharge par intervalles sa carabine sur un ennemi impuissant, prouve toutefois que, s’il se tint à l’écart des petites passions du moment, il n’en comprenait pas moins bien le fond de la question. Je citerai entre autres ce quatrain composé évidemment pour la circonstance :

« Attachez-vous à suivre la voix sacrée de la vérité, et vous ne tromperez