« Quand on réfléchit à la situation de Voss vis-à-vis de Stolberg, il est impossible de ne pas être frappé d’une différence telle qu’elle ne permet pas d’espérer la moindre égalité dans les relations. Deux frères, jeunes patriciens qui se font remarquer au café des étudians par la recherche du service et de la bonne chère, derrière qui se meut en sens divers toute une lignée d’aïeux, comment imaginer qu’un brave et rude autochtone, isolé de toute coterie, puisse former avec eux une liaison durable ? Des deux côtés, les rapports sont précaires ; une certaine libéralité de jeunesse et de cœur, jointe à de mutuelles tendances esthétiques, les rassemble sans les unir ; car qu’est-ce qu’une communauté de poésie et de pensée contre des idiotismes innés, contre des différences dans la manière de vivre et la condition ? »
Voss n’est-il pas un peu mis ici pour Goethe lui-même ? Cette amitié de jeunesse, ces incompatibilités tardives, comme aussi la différence de rang et de fortune, tout cela ne rappelle-t-il pas la position du jeune Wolfgang vis-à-vis des comtes Stolberg lors du premier voyage en Suisse ? L’identité des circonstances est remarquable, d’autant plus que le passage en question coïncide parfaitement avec un autre écrit plus de quinze ans auparavant, et dans lequel il disait, en parlant cette fois de lui-même :
« La conversion publique de Stolberg au culte catholique brisa les plus beaux liens antérieurement noués. Quant à moi, je n’y perdis rien, mes rapports d’intimité avec lui ayant dès long-temps dégénéré en une bienveillance banale. Je m’étais senti de bonne heure, à son, égard, une de ces franches inclinations qu’on a pour un homme vaillant, aimant et digne d’être aimé. Cependant je ne tardai pas à m’apercevoir qu’il ne saurait jamais s’appuyer sur lui-même, et finis par être convaincu qu’il cherchait en dehors du centre de mon activité, son repos et son salut. Aussi l’évènement n’eut-il pas de quoi