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Page:Revue des Deux Mondes - 1842 - tome 32.djvu/79

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DE LA POÉSIE FINLANDAISE.

la lune, pénètre dans les propres sources du créateur, trempe ses ailes dans le miel de la vie, puis revient vers la pauvre mère, qui, à l’aide du baume céleste, ressuscite son fils.

Cependant Wæinemœinen veut retourner à Pohiola et demander la main de la belle jeune fille. Par malheur sa mémoire infidèle a encore perdu le souvenir des trois mots puissans, des trois mots magiques, sans lesquels il n’ose entreprendre ce voyage difficile. Il veut aller les chercher dans l’empire des morts. Les filles de Tuoni tâchent de s’emparer de lui et lui jettent, au moment où elles le croient endormi, un réseau de fer sur le corps, Wæinemœinen, qui est sur ses gardes, se change en pierre et roule dans le fleuve, puis se change en serpent et passe à travers les mailles du réseau. Il sait qu’il peut encore trouver les mots dont il a besoin dans la bouche du vieux Wipunen ; mais la route est longue et difficile : il faut passer sur les pointes d’aiguilles des jeunes filles, sur les glaives acérés des hommes, sur les haches de combat des héros. Il se fait des souliers, des gants de fer, une armure de fer, se met en chemin, et arrive au lieu où repose Wipunen, sur le sol où il repose depuis si long-temps qu’une forêt épaisse s’est élevée sur son tombeau. Wæinemœinen renverse la forêt, plonge un pieu de fer dans la bouche de Wipunen, qui se réveille et cherche vainement à se dégager du rude instrument qui le torture et le déchire. Il se résout enfin à céder au vœu de son terrible adversaire, et chante un chant magique. Le fleuve, en l’entendant, cesse de soupirer et la mer de gémir.

Maître de son secret, Wæinemœinen se dirige vers Pohiola, et son frère Ilmarinen y arrive en même temps que lui. Louhi, en le voyant venir, engage sa fille à prendre Wæinemœinen pour époux. La jeune fille préfère Ilmarinen, qui cependant ne peut obtenir sa main sans avoir encore accompli trois travaux herculéens. Le premier est de labourer un champ plein de vipères, le second de dompter des ours et des sangliers, le troisième de prendre sans aucun instrument de pêche un brochet dans le fleuve de la mort. Ces trois épreuves faites, le mariage est décidé, et le pauvre Wæinemœinen s’en retourne fort triste.

Les noces se préparent à Pohiola. Le grand bœuf dont la tête et la queue touchent aux deux extrémités de la Finlande doit être servi sur la table du banquet ; pendant tout un été et tout un hiver, on travaille à brasser la bière qui doit réjouir les convives. L’écureuil et la marte y apportent les ingrédiens qui la font fermenter ; l’oiseau magique y répand le miel qu’il est allé chercher au-delà de neuf mers. Louhi invite au festin de noces les pauvres et les vagabonds, les boiteux et les paralytiques ; elle veut aussi avoir des chanteurs, et Wæinemœinen, surmontant sa douleur, arrive avec sa harpe et chante pendant trois jours.

La noce finie, la jeune fille se met à pleurer selon l’usage ancien qui existe encore dans quelques districts de la Finlande et de l’Estonie. Elle pleure et s’écrie : « Je le savais, je le savais, une voix me l’avait dit dans les années fleuries de mon printemps : tu ne resteras pas sous la tutelle de ta mère, dans