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architecte. Il attache son nom a des établissemens nouveaux et le fait bénir pour des créations d’utilité publique ont il est l’exécuteur souvent passif.

Au préfet de police, au contraire, les attributions les plus pénibles, toutes les mesures de rigueur, l’administration des prisons, l’arrestation des prévenus, le transfèrement des condamnés. En butte aux préventions haineuses d’une opinion aveugle et ignorante, pour qui la police est un ennemi et non un protecteur, il n’obtient jamais que des succès négatifs, oublié si le calme règne, attaqué, compromis, si quelque désordre éclate. Son triomphe est dans la sécurité publique, bien précieux que la foule est heureuse d’obtenir, mais qu’elle juge d’autant plus simple et naturel qu’elle en jouit davantage. Il vit entouré de détenus, de gendarmes, d’agens de l’ordre le plus infime ; sa demeure, qu’on s’apprête en ce moment à rendre plus digne, est sombre et triste : tout enfin semble conspirer pour lui donner un rang secondaire dans la hiérarchie des pouvoirs municipaux et pour dépouiller son titre de l’éclat et de la grandeur. Cependant, si l’honneur est le prix du péril et grandit avec lui, si la dignité d’une fonction doit se mesurer sur les services qu’elle est appelée à rendre, le préfet de police est le premier magistrat de la capitale. Paris, privé des avantages que lui procure l’administration du préfet de la Seine, languirait dans un douloureux abaissement, il cesserait d’être à la tête du monde civilisé, toutefois il survivrait encore à sa splendeur perdue ; mais Paris, en proie à tous les maux qu’éloigne une police infatigable et vigilante, périrait bientôt dans les convulsions de l’anarchie.

L’empereur l’avait compris, et sa politique, toujours sensée comme le génie, travailla sans relâche à relever la magistrature du préfet de police. Il entretenait avec lui des rapports directs et journaliers, s’attachait à étendre ses attributions, à le placer très haut dans l’opinion ; dans tous les conflits d’attribution, il lui accordait son appui. La restauration, dans le même esprit, conféra un instant au préfet de police le titre de ministre d’état. Le gouvernement de juillet n’a peut-être pas suffisamment apprécié les considérations d’intérêt général qui réclamaient au moins entre les deux préfets une stricte égalité. Depuis que la loi électorale les a exclus si impolitiquement de la chambre des députés, en leur ouvrant l’accès de l’autre chambre, l’élévation du seul préfet de la Seine à la pairie a placé son collègue, aux yeux du public, dans une sorte d’infériorité relative. Cependant cette dignité pourrait, sans déchoir, être attachée à des