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des renommées antiques toutes les illustrations contemporaines. On devait donc croire, et j’avoue que j’étais parti moi-même avec cette idée, que l’Allemagne actuelle se trouverait représentée, dans ce grand panthéon germanique, par tout ce qui honore aujourd’hui sa puissance, son savoir et son génie. Je m’attendais à y voir ses plus célèbres professeurs pêle-mêle avec ses premiers hommes d’état, ses écrivains et ses artistes avec ses souverains et ses ministres ; en un mot, tout ce qui tient le sceptre de la pensée, dans les universités comme dans les cours, réuni et confondu sous les voûtes de la Walhalla, au sein d’un même sentiment, la gloire de la patrie commune. Cependant rien de tout cela n’avait eu lieu. L’inauguration de la Walhalla s’était faite entre un petit nombre de témoins, et pour ainsi dire en famille, avec le roi et ses parens pour uniques acteurs, avec quelques diplomates pour tous assistans ; et le récit de cette fête, qui méritait d’être célébrée en présence de l’Allemagne entière, se réduit à ce peu de détails que j’ai recueillis moi-même sur les lieux.

Plusieurs jours avant celui qui avait été fixé pour la solennité, tout ce que les forêts voisines de Ratisbone pouvaient fournir de feuillage encore vert avait été employé à décorer de guirlandes la façade des maisons de l’antique cité, à ériger des arcs de triomphe et des salles de verdure sur toute la route que devait parcourir le cortége royal. Le jour venu, et il semblait que ce jour-là le soleil eût voulu s’associer à cette fête de la gloire et du génie, car jamais il n’avait brillé de plus d’éclat ni versé plus de lumière sur une scène plus magnifique ; le jour venu, le roi de Bavière, suivi des princes de sa famille, de ses ministres et des personnes de sa maison, s’était mis en route pour la Walhalla, construite sur une colline escarpée, à près de trois milles de Ratisbone. Parvenu au pied de l’éminence, le monarque fut salué par une troupe de jeunes filles, aux figures fraîches et vermeilles, aux yeux bleus et aux blonds cheveux, portant des fleurs et des couronnes, et représentant les villes bavaroises dans leur costume national. Ce fut là sans doute le moment le plus intéressant de la fête, si j’en juge d’après l’impression qu’il avait produite sur ceux des assistans que l’étiquette n’avait pu écarter, ou que l’air des cours n’avait pu gagner. C’est au milieu de ce cortége, si propre à rendre sensibles des images de vie, de grace et de bonheur, qui s’allient si bien aux souvenirs de la gloire, que le monarque, s’élevant d’étage en étage jusqu’à la dernière terrasse, et découvrant à chaque pas un nouveau point de vue dans un ho-