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Page:Revue des Deux Mondes - 1842 - tome 32.djvu/869

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REVUE MUSICALE.

bones par laquelle il évoque le fantôme d’Alice aux momens tragiques de l’ouvrage n’ait de la puissance et de la solennité. Étrange chose ! tout le monde admire Zampa, et cependant jamais le chef-d’œuvre d’Hérold n’a eu chez nous un de ces succès qui marquent. À cette partition si riche, si variée, si complète, le public de l’Opéra-Comique a préféré le Pré aux Clercs, délicieuse musique, mais d’une bien moins haute portée. En Allemagne, au contraire, c’est le Pré aux Clercs qu’on néglige et Zampa qu’on ne se lasse jamais d’applaudir et qu’on rencontre partout à côté du Joseph de Méhul et de tant d’autres chefs-d’œuvre de notre belle école française, parfaitement dédaignés ici, et dont la génération nouvelle a besoin d’aller apprendre l’existence à l’étranger. Combien de fois n’a-t-on pas repris Zampa ! Cette reprise donc s’est passée comme les autres, sans trop de bruit ni d’enthousiasme ; il est vrai de dire que, si l’enthousiasme ou quelque chose qui ressemble à ce don du ciel pouvait se loger dans la poitrine d’un habitué de l’Opéra-Comique, le jeu glacial de M. Masset serait de nature à l’y étouffer pour jamais. Avec un organe éclatant de fraîcheur et de sonorité, M. Masset n’a su que rester un chanteur de troisième ordre. Tel il était à ses débuts, tel vous le retrouvez aujourd’hui, gauche, distrait, sans chaleur, sans goût, sans style, gaspillant avec l’insouciance d’un fils de famille l’un des plus précieux avantages de ce temps-ci, une voix de ténor qui valait des millions. Une fois, M. Masset a paru s’animer, à l’occasion de la romance de Richard, qu’il disait avec un véritable accent pathétique. La musique de Grétry peut se vanter d’avoir fait là un singulier prodige, qui, du reste, ne s’est nullement renouvelé pour Hérold. C’est pourtant un bien beau rôle que Zampa ! rôle de comédien et de chanteur ; j’imagine que Barroilhet y serait à merveille. Chollet, dans son beau temps, malgré ses habitudes de province et son peu de tenue, y faisait assez bonne figure, puis Chollet avait créé le rôle sous les yeux d’Hérold, dont il recueillait les conseils assidus lors de la mise en scène ; et tel qu’il est encore aujourd’hui, je doute qu’il s’y montrât aussi insuffisant que M. Masset. Si, dans la nouvelle distribution, le personnage de Zampa laisse beaucoup à désirer, en revanche celui de Camille a trouvé dans Mlle Rossi la meilleure interprète qu’il eût eue jusqu’ici. Il s’en faut, je le sais, que la voix de cette cantatrice égale en étendue, en vibration, en charme, l’organe merveilleux de Mme Casimir, qui chantait le rôle avant elle ; mais il en était alors de Mme Casimir comme il en est à présent de M. Masset, et cette voix, qui, pour la sonorité argentine et le timbre, n’eut jamais sa pareille, ignora jusqu’à la fin les premiers élémens de l’art. Avec des moyens plus bornés, Mlle Rossi satisfait davantage par le sentiment qu’elle met à rendre cette musique, dont il semble qu’elle ait étudié les moindres nuances. On ne peut que louer sa manière de dire la ballade d’Alice. Un accent correct et pur, une expression profonde, convenaient seuls à la simplicité religieuse de cette grave et touchante élégie, que tout faux ornement eût altérée. En écoutant cette douce et plaintive musique, on se prend à songer malgré soi à son au-