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DE
LA TEUTOMANIE.

Deux motifs m’ont depuis long-temps dispensé de parler de l’Allemagne littéraire dans cette Revue, la nullité des œuvres du présent, la susceptibilité à l’égard du passé. Si l’on excepte les labeurs d’érudition et de théologie, la veine littéraire de ce pays semble profondément épuisée, et il serait impossible de citer dans les œuvres d’imagination, tant en prose qu’en vers, un seul écrivain de nouvelle date, dont le nom vaille la peine d’être transporté de ce côté du Rhin. Décidément, M. Heine est le dernier des Romains. L’approbation populaire ne s’est attachée, depuis dix ans, à aucune composition ; tout au plus, çà et là, quelques éloges mercenaires vous préparent une déception certaine, si, sur la foi de ces jugemens, vous remontez à l’œuvre qui en est l’objet. Ce qu’il y a de remarquable, c’est qu’aussi long-temps que le génie national se produisait par des œuvres vraiment sérieuses, il était plein d’humanité, de sympathie, de modestie ; voyez les lettres des hommes de ce temps-là ! Quel esprit d’association, de fraternité ! Comme ils étaient d’intelligence avec les peuples étrangers ! Au contraire, depuis que ce génie est tari, une admirable infatuation a pris la place de la poésie, du talent, de l’originalité ; je ne sais quel mélange de gloriole débonnaire, et, par dessus tout, de bile envieuse, est devenu la couleur générale de