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LE MONDE GRÉCO-SLAVE.

vit réduire en cendres à Niégouchi la maison de ses pères, et partit pour Kataro, où l’Autriche n’a pas cessé, même depuis que le chef des Radonitj est mort, de subvenir par des pensions à l’entretien de la famille proscrite. La place de gouverneur civil resta inoccupée ; un instant avait suffi pour décider l’exécution de cette grande mesure, facilitée, il est vrai, par l’assassinat du plus héroïque et du plus aimé des Radonitj. Si ce frère cadet du gouverneur eût continué de vivre, le vladika n’eût pas aisément triomphé. Tranquille enfin sur la réussite de ses projets, Pierre II partit pour Vienne, où M. de Metternich le reçut assez mal ; ce qui le détermina à aller demander au saint synode de Russie sa consécration épiscopale.

Le parti du gouverneur civil, profitant de l’absence de Pierre II pour se réorganiser, jeta les yeux sur la famille des Voukotitj de Tchevo, dont les Radonitj avaient hérité ou acheté leur charge. Le dernier représentant des Voukotitj, natif de Podgoritsa, mais établi a Kataro, avait été envoyé en Russie, par le précédent vladika, pour réclamer l’héritage considérable de son parent, le général Ivo Podgoritsanine, héros serbe chanté dans les piesmas. Voukotitj, après avoir plaidé devant les tribunaux russes et obtenu l’héritage, se contenta de s’en assurer les revenus sans emporter le capital, et revint au Tsernogore, où il se donna comme envoyé par la Russie pour réfomer les lois du pays. Le sénat ébloui lui décerna la présidence, et nomma vice-président son neveu et compagnon de voyage, Voukitjevitj, qui fut aussitôt fiancé à une sœur du vladika. Mais ce jeune homme, étant retourné en Russie bientôt après, s’y éprit d’une belle Moscovite, l’épousa et l’amena à Kataro, ce qui indigna tellement les Tsernogortses, qu’ils chassèrent avec mépris de leur territoire le fiancé parjure. Le vladika, revenu sur ces entrefaites, fit rejaillir jusque sur l’oncle la disgrace encourue par le neveu, et en 1834 les deux russophiles durent évacuer le pays et s’en retourner là où ils avaient laissé leurs trésors.

Ce fut alors que Pierre II commença réellement à régner. Il n’avait pas jusqu’alors osé se montrer comme réformateur ; pour assurer un accueil favorable à ses plans de régénération, il ne les présentait qu’en invoquant le nom du vladika défunt, comme celui du bon génie de la patrie, dont il fallait exécuter religieusement les volontés sacrées. Enfin, saisissant hardiment le timon de l’état, il ne gouverna plus qu’en son propre nom, et s’investit d’un pouvoir auquel nul vladika avant lui n’avait osé aspirer. Pour faire comprendre quelle puissante influence avait rapidement acquise Pierre II, il suffit