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LA BELGIQUE.

qu’elle incline encore. Aussi, pour qui ne connaîtrait pas son histoire et ses mœurs publiques, sa constitution serait inintelligible et paraîtrait d’une application impossible. En effet, cette loi fondamentale, considérée absolument, est infiniment plus libérale que la charte française ; aux yeux d’un observateur superficiel, il semblerait que le pouvoir monarchique ne devrait pas subsister un seul jour chez un peuple qui en a environné l’exercice de tant de restrictions et de tant de défiances. Mais regardez de plus près ; le congrès constituant de 1831 n’a pas voulu établir le gouvernement démocratique pur ; il n’a pas été hostile à la royauté : c’est le régime provincial et municipal cher à un pays célèbre par la splendeur de ses communes, qu’il a été jaloux de maintenir. Aussi les législatures suivantes se sont-elles hâtées de développer, dans des lois organiques, un principe qui n’avait été que posé dans la constitution. Et tel est l’attachement des Belges à cette liberté, la seule que ni l’Espagne ni l’Autriche n’osèrent point anéantir, que tout récemment ils ont considéré la faculté donnée au gouvernement de nommer le bourgmestre (le maire) en dehors du conseil communal, comme une grave concession faite au pouvoir royal ! Pour mieux faire comprendre encore l’empire de ces habitudes séculaires, que la Belgique a conservées de sa vie municipale du moyen-âge, nous dirons qu’elles seules ont le pouvoir de déplacer, en certaines occasions, la majorité législative, si peu variable d’ailleurs. La Belgique ne compte que neuf provinces équivalant, pour l’étendue, aux départemens français. Sur ce nombre, il en est deux (le Limbourg et le Luxembourg) qui, morcelées par le traité des 24 articles, sont loin d’avoir l’importance des sept autres. Parmi ces dernières, les deux Flandres (orientale et occidentale) composent presque une petite nation à part, dont la députation, extrêmement nombreuse en raison d’une population très condensée, forme un véritable parti dans les questions d’intérêt purement matériel. Son opposition a presque la valeur d’un véto absolu. Pour le prouver, nous n’en citerons qu’un exemple. Le projet de chemin de fer présenté dans la session de 1833 à 1834 n’avait d’abord pour but que de relier le port d’Anvers à la ville de Cologne. L’utilité en était incontestable ; cependant, sans l’embranchement accordé à Ostende, il n’aurait point passé. Le Hainaut, riche de ses fers et de ses houilles, est une province avec laquelle il faut compter. Celles de Liége et d’Anvers ont aussi des intérêts tout locaux que le gouvernement doit savoir ménager, s’il ne veut pas compromettre le sort des lois les plus nécessaires au bien-être du pays tout entier.