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Page:Revue des Deux Mondes - 1843 - tome 1.djvu/1032

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REVUE DES DEUX MONDES.

l’intérêt, au lieu de primer toutes les valeurs dans le pays, sont le plus souvent à meilleur marché que les valeurs commerciales et que les propriétés foncières. Quand la banque de France prête sur papier de commerce à 4 pour 100, et quand la rente de la terre n’est guère que de 2 à 3 pour 100, le 5 pour 100, même au prix déraisonnable de 122 fr., représente 4 et 1/8 pour 100.

Nous ne doutons pas que, si le 5 pour 100, le 4 1/2 pour 100 et le 4 pour 100 étaient convertis, le 3 pour 100 français, que l’on a déjà coté à 86 fr. en 1840, s’élevât promptement à 90. Mais dans l’état de malaise où est encore aujourd’hui le crédit public, le gouvernement doit se féliciter d’avoir emprunté 150 millions, en octobre 1841, au taux nominal de 78 fr. 52 c. 1/2. Ce qui le prouve, c’est que, malgré les efforts combinés des maisons puissantes auxquelles l’emprunt fut alors adjugé, et malgré l’emploi d’un amortissement qui équivaut presque à 3 pour 100 du capital nominal, le nouveau fonds est demeuré long-temps stationnaire, et ne s’élève guère, après dix-huit mois, à plus de 3 fr. 50 c. au-dessus du taux d’émission.

Ce fut peut-être une faute d’annoncer l’emprunt aussi long-temps à l’avance, si le trésor, comme l’avoue M. Humann, voyait l’argent affluer dans ses caisses ; ce fut une faute plus grande, d’en fractionner l’émission. En 1841, le trésor aurait emprunté 300 millions aussi bien que 150, et au même taux. Aujourd’hui que l’expérience est faite, et que les banquiers ont eu le temps de reconnaître que le 3 pour 100 n’a pas, dans l’état des choses, l’élasticité qu’ils supposaient à ce fonds, on peut craindre qu’ils ne se montrent moins faciles et moins empressés. Une pareille disposition des esprits ne devait pas échapper à M. le ministre actuel des finances ; aussi renonce-t-il à négocier pour long-temps, c’est l’expression officielle, le surplus de l’emprunt de 450 millions.

Ce qui fait la difficulté d’un emprunt en 3 pour 100 en France, c’est que cet effet n’a pas ou n’a que très peu de preneurs parmi les rentiers. Tant que ceux-ci trouvent à acheter du 5 ou du 4, ils ne recherchent pas même s’il existe un fonds dans lequel l’augmentation possible du capital compense le taux moindre de l’intérêt. De là vient que le 3 pour 100 ne se classe pas, et qu’il n’est guère qu’une valeur de spéculation. Voilà pourquoi aussi il monte et baisse plus rapidement que le 5 pour 100. Lorsque les banquiers, qui en sont détenteurs, en ont plein leurs portefeuilles, toute émission supplémentaire doit déprécier cette marchandise et encombrer le marché.

Faut-il conclure, des réflexions qui précèdent, que M. le ministre