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SITUATION FINANCIÈRE DE LA FRANCE.

des finances agit prudemment en rejetant sur la dette flottante, ne fût-ce que pour un temps, les dépenses auxquelles devait subvenir le surplus de l’emprunt ? Telle n’est pas notre pensée. Si une émission de rentes 3 pour 100 rencontre en ce moment de trop grandes difficultés, il doit être possible, en dépit de la constitution vicieuse de notre crédit, d’obtenir le concours des capitalistes, au moyen de quelque autre combinaison. Ce serait un phénomène par trop étrange que celui d’un état comme la France renonçant à faire appel au crédit, pendant que le duché de Bade et la Bavière, des états nouveaux venus sur la scène politique, que les traités ont faits et qu’ils peuvent défaire, trouvent des prêteurs à un taux inespéré.

La dette flottante est un moyen de service pour le trésor ; il ne faut pas en faire une machine à emprunts. La dette flottante est destinée soit à couvrir l’arriéré des caisses, soit à représenter les avances des agens comptables au gouvernement sur les produits de l’impôt qu’ils ont à recouvrer. On la détourne de sa destination naturelle, quand on s’en sert pour appeler les capitaux que l’on veut retenir ensuite dans la dette fondée.

En Angleterre, où les emprunts ne se font pas de la même manière qu’en France et sur le reste du continent, lorsque la dette flottante atteint des proportions trop considérables, le gouvernement annonce qu’il en consolidera une partie à de certaines conditions ; et telle est l’affluence des capitaux, telle est la difficulté des placemens, que l’opération manque rarement son effet. Rappelons cependant que la dernière tentative de ce genre a dû être reprise à deux fois, et que M. Spring-Rice y avait échoué avant que M. F. Baring réussît.

Mais, dans un pays comme le nôtre où les preneurs des bons du trésor ne sont pas les capitalistes qui achètent des rentes, et où les emprunts, au lieu de se faire par souscription, sont adjugés à des banquiers qui en entreprennent le placement, un ministre ne peut pas à volonté verser le trop plein de la dette flottante dans la dette fondée ; et ce sera toujours une opération imprudente que d’enfler outre mesure, en vue d’un emprunt ultérieur, les dimensions d’une dette à terme, dont les créanciers du trésor, dans un moment de crise, refusent souvent de renouveler le contrat.

La dette flottante en Angleterre s’est élevée en 1805 à un capital de 1,450 millions de francs. Elle oscille habituellement entre 6 et 800 millions. Cette somme colossale n’est pas hors de proportion avec le capital de la dette fondée, ni même avec la masse des capi-