Page:Revue des Deux Mondes - 1843 - tome 1.djvu/1074

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
1068
REVUE DES DEUX MONDES.

Cependant il tirait lentement de son sein,
Comme se préparait au martyre un apôtre,
Les trois parts d’une Flûte et liait l’une à l’autre,
Essayait l’embouchure à son menton tremblant,
Faisait mouvoir la clé, l’épurait en soufflant,
Sur ses genoux ployés frottait le bois d’ébène,
Puis jouait. — Mais son front en vain gonflait sa veine,
Personne autour de lui pour entendre et juger
L’humble acteur d’un public ingrat et passager.
J’approchais une main du vieux chapeau d’artiste
Sans attendre un regard de son œil doux et triste
En ce temps de révolte et d’orgueil si rempli ;
Mais, quoique pauvre, il fut modeste et très poli.

II.

Il me fit un tableau de sa pénible vie.
Poussé par ce démon qui toujours nous convie,
Ayant tout essayé, rien ne lui réussit,
Et le chaos entier roulait dans son récit.
Ce n’était qu’élan brusque et qu’ambitions folles,
Qu’entreprise avortée et grandeur en paroles.


D’abord, à son départ, orgueil démesuré,
Gigantesque écriteau sur un front assuré,
Promené dans Paris d’une façon hautaine :
Bonaparte et Byron, poète et capitaine,
Législateur aussi, chef de religion
(De tous les écoliers c’est la contagion),
Père d’un panthéisme orné de plusieurs choses,
De quelques âges d’or et des métempsycoses