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Page:Revue des Deux Mondes - 1843 - tome 1.djvu/1077

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LA FLÛTE.

Brûlé, précipité, sans jeter un seul cri,
Et n’avouant jamais qu’il saigne et qu’il succombe
À toujours ramasser son rocher qui retombe.
Si, plus haut parvenus, de glorieux esprits
Vous dédaignent jamais, méprisez leur mépris ;
Car ce sommet de tout, dominant toute gloire,
Ils n’y sont pas, ainsi que l’œil pourrait le croire.
On n’est jamais en haut. Les forts, devant leurs pas,
Trouvent un nouveau mont inaperçu d’en bas.
Tel que l’on croit complet et maître en toute chose
Ne dit pas les savoirs qu’à tort on lui suppose,
Et qu’il est tel grand but qu’en vain il entreprit.
— Tout homme a vu le mur qui borne son esprit.


Du corps et non de l’ame accusons l’indigence.
Des organes mauvais servent l’intelligence
Et touchent, en tordant et tourmentant leur nœud,
Ce qu’ils peuvent atteindre et non ce qu’elle veut.
En traducteurs grossiers de quelque auteur céleste
Ils parlent… Elle chante et désire le reste.
Et, pour vous faire ici quelque comparaison,
Regardez votre Flûte, écoutez-en le son.
Est-ce bien celui-là que voulait faire entendre
La lèvre ? Était-il pas ou moins rude ou moins tendre ?
Eh bien ! c’est au bois lourd que sont tous les défauts,
Votre souffle était juste et votre chant est faux.
Pour moi qui ne sais rien et vais du doute au rêve,
Je crois qu’après la mort, quand l’union s’achève,
L’ame retrouve alors la vue et la clarté,
Et que, jugeant son œuvre avec sérénité,
Comprenant sans obstacle et s’expliquant sans peine,
Comme ses sœurs du ciel elle est puissante et reine,
Se mesure au vrai poids, connaît visiblement
Que son souffle était faux par le faux instrument,