Page:Revue des Deux Mondes - 1843 - tome 1.djvu/134

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
128
REVUE DES DEUX MONDES.

plus d’intérêt à la faire adopter. Elle fut proposée d’abord en 1832 par M. Sadler, l’économiste de l’ultra-torysme, qui s’est rendu fameux en Angleterre par la haine qu’il a vouée à la grande industrie. L’année suivante, un des représentans les plus éminens des mêmes opinions, lord Ashley, la prit sous son patronage et la fit adopter par la chambre des communes malgré l’opposition du parti libéral et la répugnance non équivoque du ministère whig, qui, par l’organe de deux de ses membres, lord Althorp et M. Poulett-Thompson, tenta vainement de substituer des amendemens aux prescriptions les plus restrictives du bill.

La loi de 1833 a porté remède sans doute à de déplorables abus, on peut le dire sans ajouter foi à toutes les peintures exagérées de la condition des enfans dans les manufactures, qui rencontrèrent d’abord trop de crédulité auprès des philantropes anglais, et soulevèrent de si vives clameurs contre ce que l’on appelait la traite des blancs. Il est également vrai qu’elle n’a pas encore produit tout le bien qu’en attendent les cœurs généreux. Néanmoins, ceux qui savent se contenter d’un bien incomplet, mais solide, et auquel l’avenir promet des développemens assurés, peuvent se tenir pour satisfaits des résultats obtenus jusqu’à ce jour par la législation anglaise. D’ailleurs, cette législation n’eût fait que consacrer le principe de l’intervention du gouvernement dans les rapports de la population ouvrière avec les chefs d’industrie, que ce serait un titre suffisant en sa faveur auprès des hommes d’état. Mais elle a fait davantage : elle a voulu protéger l’enfant contre l’oppression de la force industrielle, qui souvent, au péril de sa frêle existence, avait abusé de sa faiblesse dans de cupides et aveugles intérêts ; elle a proclamé que l’état devait veiller au développement physique et moral de l’enfant pauvre ; le but est difficile à atteindre sans doute, mais c’est déjà beaucoup que d’avoir commencé à prendre des moyens efficaces pour y arriver. Nous allons indiquer, dans un rapide aperçu, ces moyens et les conséquences qu’ils ont amenées. Nous porterons de préférence notre attention sur les points dont la pratique a paru la plus difficile et la plus douteuse dans les discussions que le vote d’une loi semblable a soulevées en 1840 au sein de nos chambres.

On sait que la loi française du 22 mars 1841 est applicable aux manufactures, usines et ateliers à moteur mécanique et à feu continu, et à toute fabrique occupant plus de vingt ouvriers. Elle divise les enfans, aux intérêts desquels elle a voulu pourvoir, en deux catégories marquées par des limites d’âge : la première comprend les enfans de huit à douze ans ; la seconde, ceux de douze à seize. Tout travail dans les manufactures désignées est interdit au-dessous de l’âge de huit ans. Pour la première catégorie, le travail effectif ne peut être de plus de huit heures sur vingt-quatre, et de plus de douze heures pour la seconde. La journée de travail est limitée entre cinq heures du matin et neuf heures du soir. Tout travail entre neuf heures du soir et cinq heures du matin est considéré comme travail de nuit, et à ce titre interdit aux enfans au-dessous de treize ans, et permis au-dessus de cet âge, en comptant deux heures pour trois dans le cas où il serait exigé par suite du chomage d’un