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vit de racines bulbeuses, de sauterelles et de reptiles. Réduits à se cacher parce qu’ils sont inférieurs en taille et en force aux peuples voisins, les Griquas n’excellent qu’à courir, c’est presque dire à se sauver ; leurs cabanes sont à peine visibles à l’œil du voyageur, et ils se retirent parfois si loin des sources et des rivières, qu’il leur faut aller chercher l’eau à une et deux lieues de leur gîte ; encore n’ont-ils pour l’apporter d’autres vases que les œufs d’autruche. Nous n’insisterons pas davantage sur cette malheureuse race, que le capitaine Harris décrit avec presque autant de soin que les animaux du désert, mais nous mentionnerons comme très significative et très caractéristique la rencontre d’un autre gentleman anglais, qui revenait d’une chasse à l’éléphant. Singuliers hommes, qui, habitués dès leur enfance à servir sur tous les points du globe, projettent d’un congé à l’autre une expédition contre les lions dans les déserts d’Afrique, un steeple-chase à Saint-Alban, une chasse au kangourou à la Nouvelle-Hollande, et tout cela sans modifier leurs habitudes, sans enthousiasme apparent, et souvent sans plaisir !

Nos voyageurs étaient arrivés à Kuruman ou New-Litakoo, petit endroit assez gracieux, groupe d’habitations enchâssées dans le désert ; ils y trouvèrent les missionnaires dont ils avaient visité les enfans au Cap.

Mais avant d’approcher de la capitale de Moselekatse, il est utile de dire deux mots de ce chef remarquable, devenu depuis quelques années la terreur des plaines traversées et parcourues par les émigrans hollandais. Son histoire est esquissée par le capitaine Harris à peu près en ces termes : Moselekatse est le souverain despotique de la puissante tribu des Abaka Zooloos ou Matabilis ; son père était un petit chef dont le territoire se trouve au nord-nord-est de Natal. Attaqué et battu par une peuplade voisine, Moselekatse se réfugia près de Chaka, chef des Zooloos, jusqu’à la mort duquel il resta dans un état de servilité pareil à celui des Fingoes parmi les Kafres. Peu à peu cependant Moselekatse gagna la faveur et la confiance de Chaka ; avec le temps, il se trouva chargé de la garde d’immenses troupeaux et commandant d’un point militaire d’une certaine importance. L’occasion se présentant, il se révolta, prit la fuite avec son monde et le bétail vers le nord-ouest, détruisit sur sa route les tribus qui occupaient la contrée ; et devint bientôt la terreur de toute une vaste étendue de pays. Quand il n’eut plus d’ennemis à combattre, Moselekatse fixa sa résidence aux sources des rivières Molopo et Moriqua, où il règne aujourd’hui. »

On conçoit ce qu’un pareil voisin doit avoir de terrible pour les