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Halstead avait eu le temps de renverser de deux coups de poignard les deux sauvages qui le saisissaient ; mais il ne gagna à cet acte de courage que d’être le témoin de la plus horrible boucherie : son tour vint, il fut écorché vif et mourut dans les plus cruelles tortures. On sut alors que, dans une précédente occasion, le même plan avait été concerté, mais que, l’officier chargé de cette mission sanguinaire n’ayant pas voulu obéir, Dingaan s’en était remis à lui-même du soin de massacrer les Hollandais.

Bientôt arriva aux établissemens anglais la nouvelle du massacre de Retief et de ses compagnons ; il était question aussi d’un corps de Zooloos qui devait surprendre le reste du camp hollandais. De son côté, le gouvernement anglais avait envoyé des forces imposantes vers les émigrans pour les ramener vers la colonie ou les arrêter par la voie des armes. Il parut urgent d’avertir ces Boors (paysans) dévoués à une mort certaine, mais la fatalité voulut que le débordement des rivières empêchât les courriers d’arriver à temps pour prévenir le désastre. Pleins de sécurité, les émigrans étaient si loin de s’attendre à une attaque, qu’ils n’avaient pris aucune des précautions que leur prescrivait cependant un genre de vie aussi aventureux. Dans la nuit du 17 février, dix mille sauvages se ruèrent pêle-mêle dans le camp endormi ; et, réveillant les Boors de leurs songes de paix et de tranquillité avec des cris et des hurlemens, ils emmenèrent vingt mille têtes de bétail après avoir égorgé de cinq à six mille individus sans distinction d’âge ni de sexe, déchirant avec une barbarie sans exemple ces victimes assoupies, coupant le sein des femmes : ils mirent le comble à tant de cruautés en brisant le crâne des pauvres petits enfans sur la roue des chariots. »

Un peu avant le dénouement de cet horrible drame, un corps d’environ mille Anglais et gens de couleur assez mal choisis s’était mis en marche furtivement pour se réunir aux émigrans de Natal ; mais, arrivés au camp à midi, ils ne virent plus ni ceux qu’ils cherchaient, ni l’ennemi qui avait ensanglanté la plaine. Ils ne purent atteindre que quatre mille têtes de bétail et cinq cents femmes qu’ils ramenèrent captives. Les missionnaires, forcés de quitter Mosega, se réunirent à leurs collègues au Port-Natal, et de là ils firent voile pour le Cap. Quand ces hommes paisibles demandèrent au tyran zooloo la permission de se retirer, il leur répondit : « Partez, allez-vous-en vite ! Quand cette demande ne serait pas venue de vous, je vous aurais chassés de mes états, car j’ai appris des filles de ma famille que vous ne parlez jamais de moi que comme d’un menteur et