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chement acquise qu’il déploie sur cette matière, et qu’il venait sans doute de puiser à une source amie.

Les Mémoires d’un Touriste s’attaquent d’ailleurs à de plus forts que ces pauvres savans. Les journaux que M. Beyle n’avait pas respectés, même dans le temps de sa plus grande ferveur libérale, sont appelés cette fois un des grands malheurs de Paris, et bien plus, « un des grands malheurs de la civilisation, un des plus sérieux obstacles à l’augmentation du bonheur des hommes par leur réunion sur un point. » De la nécessité politique du journal dans les grandes villes naît la triste nécessité du charlatanisme, seule et unique religion du XIXe siècle. À Rome, où il n’y a pas de journaux, le charlatanisme est inconnu, « ce qui lui laisse la chance de produire encore de grands artistes. »

Plus qu’aucun autre des ouvrages de l’auteur, les Mémoires d’un Touriste sont empreints d’une négligence qui, cette fois, n’est pas jouée. On voit qu’il a peu de goût à la besogne ; rien n’est plus décousu, il y a des longueurs et des répétitions fastidieuses, il y a des hors-d’œuvre d’érudition sur les races et surtout sur le système orographique de la France, qui semblent une leçon apprise de la veille et jetée là pour remplissage. Tout ce charme, toute cette grace piquante qu’il a su répandre dans Rome, Naples et Florence, cet intérêt solide qui soutient les deux gros volumes des Promenades dans Rome, ont disparu dans cette excursion en France. L’esprit qui abonde en maint endroit et quelque joli épisode, comme celui de la jeune Bretonne sur le bateau à vapeur, ne suffisent pas pour donner à ce livre un attrait que l’auteur n’a pas trouvé dans son voyage, et auquel il n’a pu suppléer que par l’épigramme. Comme ouvrage d’étude, c’est trop peu sérieux et trop incomplet, les trois quarts de la France s’y trouvant omis. Comme ouvrage d’agrément, c’est trop souvent ennuyeux. Tout ce que le livre contient d’observations importantes sur le caractère français se trouve d’ailleurs dans les autres ouvrages de l’auteur.

Ses romans ont voulu concourir pour leur part à démontrer la supériorité des caractères qui ont pour ressort la passion sur les caractères qui ont pour ressort la vanité ou tout autre mobile, l’idée du devoir, par exemple. Le premier de ces romans, Armance, ou Un Salon au dix-neuvième siècle, n’est pas un essai heureux. Tout y est forcé, rien n’y a sa mesure, rien n’y est intelligible ; l’auteur n’avait pas encore le sentiment de la perspective du récit. Faute de savoir mon-