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Page:Revue des Deux Mondes - 1843 - tome 1.djvu/370

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REVUE DES DEUX MONDES.

À Rome le poète n’est plus, comme en Grèce, un prêtre et un législateur, il est tout simplement un artiste, mens divinior, qui redit sous une forme meilleure les voix que nous entendons en nous. De là vient que la poésie latine a incessamment dans la vie le privilége de la citation, et que beaucoup de ses vers sont devenus des maximes et comme des proverbes sanctionnés par les siècles. Nous trouverons donc dans l’étude des chefs-d’œuvre de la muse romaine de l’expérience et des consolations en même temps que d’admirables modèles… Nos engouemens poétiques ont fait peu à peu le tour de nos frontières. Au temps d’Henri III, nous imitions la fausse manière italienne ; au temps de Louis XIII, l’enflure espagnole ; au XVIIIe siècle, la manie anglaise nous a poursuivis ; voilà aujourd’hui que l’Allemagne a son tour avec ses rêveries et ses brouillards. Le bon sens français, qui finit toujours par se retrouver à travers ces éclipses passagères, a fait justice de ces exagérations. Pour l’engouement anglais, le patriotisme a suffi ; mais pour l’Allemagne, que faut-il faire ? Peut-être, ici encore, le commerce des anciens ne nous serait-il point inutile. Rappelez-vous ce que raconte Tacite de ces bandes germaines dont les vents apportaient de loin le bruit à Germanicus, inconditi agminis murmur. N’était-ce pas un peu comme la poésie actuelle des descendans d’Arminius ? Mais quand les Romains revinrent plus tard, ces armées confuses s’étaient disciplinées, elles avaient des drapeaux et des chefs insueverant sequi signa, dicta imperatorum accipere. Ne pourrions-nous pas faire ainsi : ce qui nous manque également, n’est-ce pas ce qui fait la force, la discipline ? Je voudrais que le souvenir de Rome pût nous guider, comme il guidait les Germains. » La première leçon de M. Labitte est un sûr garant du succès qui l’attend, et le public studieux qui suit les cours du haut enseignement applaudira d’autant plus volontiers le professeur, qu’il trouvera par ses applaudissemens même l’occasion de protester contre ces maîtres ès-arts de la vieille université française, qui semblent, lorsqu’ils choisissent un suppléant, ne s’occuper que du soin de se faire valoir par le contraste, ce qui aboutit parfois à de tristes défaites.


V. de Mars.