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ÉTAT DE LA PHILOSOPHIE EN FRANCE.

révèlent aussi parmi les physiologistes. Outre l’école vitaliste de Montpellier, qui se souvient de Barthez, à Paris M. Flourens vient de publier une réfutation de la phrénologie[1] ; M. Dubois (d’Amiens)[2], suivant les disciples de Cabanis et de Broussais, sur leur propre terrain, discute à la fois contre eux en philosophe et en physiologiste, également versé dans les deux sciences, et démontre, par l’enseignement et les livres de Broussais lui-même, la vanité de tout cet attirail organique. De pareils travaux sont à la fois un titre scientifique et une bonne action.

Au lieu d’attaquer les philosophes de l’Université, qui ont combattu le sensualisme à outrance, il vaudrait mieux les aider à étendre plus loin les bienfaits de la révolution qui leur est due ; mais cette fois comme toujours les intérêts de parti nuiront à ceux de la vérité, et on détournera les yeux de la véritable plaie pour s’indigner contre des maux imaginaires. Quand le proconsul Gellius vint à Athènes, il assembla tous les philosophes qui s’y trouvaient en grand nombre, et, par un discours étudié, les exhorta à terminer leurs longs débats, leur offrant sa médiation et ses bons offices. La proposition ne venait pas d’un homme très versé dans les matières philosophiques ; mais, s’il se présentait à présent un proconsul animé d’intentions aussi conciliantes, il aurait du moins un bon argument à faire valoir : c’est que les gens qui sonnent le tocsin parmi nous, et qui prétendent détruire, ceux-ci la liberté, ceux-là la religion, s’engagent de gaieté de cœur dans une guerre sans issue ; c’est que les moyens qu’ils emploient de concert pour arriver à leurs fins contradictoires ne valent pas mieux que les causes au service desquelles ils se sont mis. Personne ne croira jamais que l’état enseigne directement une doctrine immorale, ni que M. Cousin l’impose par force à l’Université, et que M. Villemain pousse le dévouement pour son ancien collègue jusqu’à engager à ce point sa propre responsabilité, et l’honneur d’un corps auquel il doit son illustration.

Il faut mettre hors du débat cette scandaleuse accusation d’immoralité adressée à l’enseignement philosophique de l’Université. C’est

  1. Voyez aussi son Mémoire sur l’ame des bêtes, où il insiste sur la distinction des merveilles de l’instinct et des signes de sentiment et d’intelligence. Cependant malgré ces services rendus à la cause du spiritualisme, telle est l’influence de l’éducation sur les meilleurs esprits, que, dans son Mémoire sur le système nerveux, M. Flourens semble absorber l’ame dans l’organisme.
  2. Examen des doctrines de Cabanis, Gall et Broussais, par M. Dubois (d’Amiens), membre de l’Académie de Médecine. Paris, 1842, chez Cousin.