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en une seule année, c’est-à-dire suffisante pour l’épreuve du baccalauréat, nous avouons que cela nous touche peu : nous y gagnerons d’abord que la philosophie humanitaire, qui jusqu’ici ne s’enseigne que dans les journaux et les pamphlets, s’adressera à nos enfans. On leur apprendra que la pensée ne peut exister sans le corps, ce qui n’est pas le matérialisme ; que, si notre ame survit à notre corps, elle perd tout souvenir de son identité, ce qui n’est pas la négation de l’immortalité de l’ame ; que les pauvres et les idiots sont des coupables que la vengeance de Dieu poursuit, ce qui n’est pas la plus insolente consécration qui ait jamais été rêvée du principe de l’aristocratie. Ou bien encore, si la famille est religieuse et qu’elle n’ait point de sympathie pour les transformations de la doctrine saint-simonienne, elle mettra son enfant dans une école portant enseigne de catholicisme, et là on lui apprendra que le monde est né de l’accouplement de la plastique avec l’esprit de la nature, que l’homme est un acide et la femme un alcali, que l’A est la voyelle la plus profonde et l’expression du mouvement central de l’être, et que notre cerveau se nourrit de la lumière physique. Et nous, nous serons réduits à souhaiter alors, dans l’intérêt de la philosophie, qu’on supprime son nom du programme des études, et qu’on en revienne à la méthode de cet écrivain célèbre qui disait à un philosophe « Eh ! n’avons-nous pas le catéchisme ? »

Eh bien ! cela est vrai, nous avons le catéchisme, et la doctrine qui y est contenue est une doctrine sainte et vénérable ; c’est par elle qu’a été accompli presque tout ce qu’il y a de bien dans les temps modernes ; il est digne d’un philosophe d’être le premier à la glorifier et à la bénir. Il faut le faire en tout temps, il faut le faire surtout quand quelques esprits égarés calomnient la philosophie au nom de la religion. Non, quoi qu’ils fassent les uns et les autres, la philosophie n’est pas l’ennemie de la religion, elle ne peut pas, elle ne doit pas l’être. On enseignera le catéchisme, et la première vertu qu’on y apprendra, ce sera la charité, qui comprend la tolérance. Mais on enseignera aussi la philosophie, parce que la philosophie, c’est la liberté, et que la liberté est le premier et le plus saint de tous les droits.

Il y aura peut-être quelques jeunes esprits dans l’Université qui, se voyant calomniés, seront tentés de réagir contre leurs ennemis. Une injustice ne peut en légitimer une autre. Le courage ne consiste pas à céder à une provocation, mais à y résister, et à demeurer ferme dans ses principes, sans rien ôter, sans rien ajouter. Ce sont