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LES COLONIES PÉNALES DE L’ANGLETERRE.

Chaque année, les comptes-rendus de la justice criminelle attestent cette progression fatale et qui ne s’arrête pas. Pour ne citer que les derniers résultats connus, en 1840, le nombre des accusations a excédé de 225, ou de 4 pour 100, la moyenne des trois années antérieures. L’accroissement paraît encore plus sensible si l’on s’attache à la catégorie purement correctionnelle. En effet, le nombre des prévenus de vol simple, qui était de 17,972 en 1839, s’est élevé, en 1840, à 19,531. On en comptait moins de 10,000 en 1826. Ainsi, en quinze années, et pendant que la population s’augmentait à peine d’un quinzième, l’accroissement des délits les plus communs, des vols simples, a été, à peu de chose près, de 100 pour 100.

Il n’entre pas dans le cadre de ces réflexions d’examiner par quel vice de notre organisation civile s’opère cette décomposition déjà menaçante de l’état social ; mais tout le monde s’accorde aujourd’hui à reconnaître que le régime corrupteur de nos établissemens de détention y contribue pour une grande part. Il se tient dans ces maisons une école permanente de crime, et les condamnés qui y étaient entrés avec une moralité douteuse en sortent, presque sans exception, complètement pervertis. La preuve en est dans le nombre croissant des récidives. Les récidives en matière criminelle, qui étaient, en 1839, de 22 sur 100 accusés, se sont élevées, en 1840, à 23 sur 100, et les récidives en matière correctionnelle, qui comprenaient, en 1838, 10,258 prévenus, se sont étendues, en 1839, à 10,661, et, en 1840, à 11,842. En trois années, l’augmentation a dépassé 15 pour 100.

Tels qu’ils sont, ces foyers d’infection ne peuvent plus contenir les détenus que l’on y envoie. La population des bagnes, qui était descendue un moment à 6,000 condamnés, en comptait déjà plus de 7,000 en 1841. Celle des maisons centrales, qui flottait, en 1839, entre 17 et 18,000 détenus, envahit maintenant, faute d’espace, les prisons départementales, qui étaient réservées aux condamnés à moins d’un an de détention. Pour obvier à cet encombrement, l’administration vient de créer une vingtième maison centrale à Vannes, sans l’autorisation et même contre le vœu formel du pouvoir législatif. Mais c’est là un expédient transitoire qui ne dispense pas de chercher des remèdes proportionnés à la gravité de la situation.

Faut-il substituer à nos établissemens de détention des colonies pénales ou des pénitenciers institués selon la règle des États-Unis ? Doit-on entreprendre la réforme des condamnés au sein de la société qu’ils ont troublée par leurs désordres, ou plutôt désespérer de leur