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amendement et s’en débarrasser par un exil lointain prononcé sans esprit de retour ? Voilà toute la question telle qu’elle se pose aujourd’hui.

La discussion des systèmes pénitentiaires qui sont pratiqués dans l’Amérique du Nord occupe depuis plusieurs années les académies, la presse, les chambres et l’administration. La question des colonies pénales semble, au contraire, avoir échappé à la controverse, et bien qu’elle ait trouvé en France deux historiens[1] qui ne manquent pas de mérite, bien qu’elle ait fait dans la Grande-Bretagne l’objet de plusieurs enquêtes parlementaires, les données qui peuvent en sortir ont encore pour nous tout l’intérêt comme aussi toute l’obscurité de l’inconnu.

Les États-Unis nous ont frayé les voies du système pénitentiaire ; le gouvernement britannique, en établissant des colonies de déportation dans l’Australie, a donné au monde, par les désastres même de cette entreprise, un salutaire enseignement. Nous avons ainsi, pour nous éclairer, l’expérience de deux grands peuples ; il ne s’agit plus que de choisir entre ces exemples, qui nous épargneront du moins les périls de l’innovation.

L’opinion publique a hésité long-temps en Angleterre sur le jugement qu’elle devait porter des colonies pénales. Cette cause a eu ses panégyristes et ses détracteurs, et ce n’est que depuis quelques années que la statistique, apportant ses inflexibles données, a contribué à fixer les incertitudes de l’histoire.

Les colonies pénales de l’Australie existent depuis plus d’un demi-siècle. Pendant près de vingt-cinq ans, le gouvernement britannique les administra sans contrôle ; mais en 1812, le parlement, frappé de l’augmentation des dépenses et de la faiblesse relative des résultats que l’on avait obtenus, ordonna la première enquête qui ait été faite sur le régime de ces établissemens. Ce document est d’une nature purement descriptive. Soit que la chambre des communes n’eût recueilli que des renseignemens insuffisans, soit que l’esprit critique lui ait manqué, elle se borna à exposer l’état des choses, en déclarant que la colonie, au moyen de quelques réformes, paraissait devoir atteindre le but que l’on s’était proposé en la fondant. Cependant l’inefficacité de la déportation, considérée comme peine, avait frappé les esprits éminens de l’époque, sir Samuel Romilly, Wilberforce, Abercrombie. Le ministère, pressé par de tels adversaires, et cédant

  1. Histoire des colonies pénales de l’Angleterre, par E. de Blosseville ; Histoire de Botany-Bay, par J. de La Pilorgerie.