Page:Revue des Deux Mondes - 1843 - tome 1.djvu/420

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
414
REVUE DES DEUX MONDES.

gner la discipline parmi eux. Cette peine, qui semble appartenir à un âge barbare, n’a d’autre résultat que de pousser les malfaiteurs au désespoir. La nature des devoirs imposés à la troupe qui surveille les condamnés a la plus déplorable influence sur la discipline et sur le moral des soldats. Les sentinelles s’enivrent, et la troupe se dégrade par ce contact journalier avec des condamnés, parmi lesquels elle retrouve des pères, des frères ou des parens. »

Dans les établissemens pénaux, nous ne disons pas pénitentiaires, de Norfolk et de Port-Arthur, le régime paraît être encore plus rigoureux et plus funeste à la moralité des condamnés. Mille ou douze cents criminels sont parqués ensemble et occupés aux plus rudes travaux. Pour garder ces hommes désespérés, les soldats se font assister d’une troupe de chiens féroces. La moindre faute est punie par le fouet ; la peine de toute faute grave est la mort. Les condamnés préfèrent généralement la mort à la détention dans l’île de Norfolk. On en a vu couper la tête à quelqu’un de leurs camarades, sans provocation ni colère apparente, dans le seul but d’abréger leurs propres souffrances en méritant le dernier supplice. Les révoltes sont fréquentes dans l’île, et il est déjà arrivé que les condamnés, après avoir égorgé leurs gardiens, se sont emparés de l’établissement. La dernière insurrection, qui date de 1834 et qui faillit réussir, fut étouffée dans des torrens de sang : neuf condamnés furent tués sur la place, et onze exécutés. « L’aspect de ces misérables annonce leurs crimes, dit le rapport, et, suivant l’aveu très expressif que faisait un condamné avant de mourir, quiconque descend dans cet enfer devient bientôt aussi méchant que les autres ; on lui prend son cœur d’homme, et on lui donne l’ame d’une bête. » Voici un catalogue funèbre, mais instructif, qui met en relief cette dépravation inouie. Sur 116 condamnés qui s’évadèrent de Port-Macquarie (établissement abandonné aujourd’hui) de 1822 à 1827, 75 périrent de misère dans les bois, 1 fut pendu pour avoir tué et mangé son compagnon, 2 furent frappés à mort par les soldats, 8 furent égorgés et 6 dévorés par leurs compagnons, 24 atteignirent les districts habités par les planteurs, qui en pendirent 15 pour meurtre ou maraudage dans les bois.

Il reste une dernière classe de déportés, c’est celle des condamnés qui deviennent libres, soit par l’expiration de leur peine, soit par une émancipation provisoire et conditionnelle (ticket of leave). Un condamné qui est déporté pour sept ans obtient cette remise de peine au bout de la quatrième année, à moins que sa conduite n’ait été