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port de 1838 constate que les assignés commettent moins de délits que les libérés provisoires, et ceux-ci moins que les émancipés. Ce résultat est conforme aux données du bon sens. Un système pénal dont l’efficacité dépend absolument de la sévérité de la peine, et qui ne tend pas à redresser ou à fortifier dans l’ame du condamné l’énergie du sentiment moral, doit le rendre incapable de prévoyance et l’abrutir.

Si l’on veut savoir ce que peut être une société dont les malfaiteurs ont formé le noyau, il n’y a qu’à prendre le relevé des crimes commis annuellement dans la Nouvelle-Galles et qu’à le comparer avec les tables criminelles de la mère-patrie. La proportion des criminels à la population est en Angleterre de 1 sur 850 habitans ; elle était de 1 sur 104 à la Nouvelle-Galles en 1835. La proportion des crimes commis avec violence aux crimes commis sans violence est en Angleterre de 1 sur 8 1/2 ; elle était dans la Nouvelle-Galles comme 1 est à 1 5/8. Dans la terre de Van-Diemen, on avait compté, en 1834, 1 criminel sur 81 habitans.

Le nombre des crimes augmente à la Nouvelle-Galles dans une proportion plus grande que la population. En effet, on ne trouvait que 1 délinquant sur 157 habitans en 1829, et, six ans plus tard, le rapport était de 1 délinquant sur 104 habitans. Ce fait prouve que la classe des hommes libres s’y démoralise tout aussi vite que celle des condamnés. La description que donne le juge Burton de la ville de Sidney en 1836 ressemble à un mauvais rêve. Dans cette Ponérople ou cité du crime, les vols avec effraction se commettaient en plein jour ; le vice de l’ivrognerie était porté à un excès inimaginable : la consommation des liqueurs spiritueuses était annuellement de quatre gallons[1] par tête dans la colonie. On comptait 219 tavernes autorisées à Sidney, sans parler des innombrables repaires ouverts en contrebande. Joignez à cela une population rurale (peasantry) dépourvue de tout sentiment de famille, sans parens, sans femmes, sans enfans, sans foyer, moins attachée au sol, en un mot, que les esclaves nègres d’un planteur dans les Indes occidentales. Cette population habite en troupes dans de misérables huttes, et passe dans d’ignobles orgies la partie de la nuit qu’elle peut dérober au sommeil.

La chambre des communes attribue exclusivement au régime que l’on suit pour les condamnés cette irritabilité d’humeur qui envenime dans les colonies pénales tous les rapports sociaux. « Des serviteurs

  1. Le gallon contient un peu plus de quatre litres et demi. Ainsi chaque individu consommait par an plus de dix-huit litres d’eau-de-vie.