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Page:Revue des Deux Mondes - 1843 - tome 1.djvu/463

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VOYAGEURS AUX ÉTATS-UNIS.

publicaine, fut bien étonnée de reconnaître dans quel cercle étroit et misérable les facultés et les forces féminines étaient parquées et renfermées par les Américains ; dans plusieurs chapitres remarquables par la verve du mécontentement et les diffusions de la mauvaise humeur, elle a témoigné au monde sa surprise.

Elle n’a pas remarqué que les premiers jours de la colonie anglo-américaine ont eu pour point de départ, non pas l’esprit chevaleresque et catholique, favorable aux femmes, mais l’esprit calviniste, profondément rigide et dénué de charité pour l’être faible. Le culte de la vierge Marie était effacé ; la séparation des sexes passait en loi. Cette rigidité inhumaine de la loi calviniste n’a pas encore perdu toute influence dans le Connecticut, elle a laissé des traces profondes. On n’y tolère point les théâtres ; les directeurs d’une troupe équestre furent obligés récemment de s’arrêter sur les limites de la province, après avoir donné des représentations dans les provinces voisines. Le gouvernement du Connecticut leur fit parvenir l’utile et loyal avertissement de ne pas se hasarder dans les domaines du comté, à moins de vouloir s’exposer à la confiscation de leurs chevaux. Les habitans des provinces limitrophes ne manquent pas de dire que la sévérité du Connecticut est pure hypocrisie, que tous ses habitans se livrent en secret aux vices les plus odieux et les plus infâmes, ce qui, malgré l’assertion et l’assentiment du capitaine Marryatt, ne semble pas tout-à-fait prouvé.

L’esprit fondamental et créateur des États-Unis, modifié depuis l’époque primitive par la philosophie plus tolérante de Locke, ne se retrouve que dans le vieux code puritain, le Code bleu, qu’on aurait dû nommer le Code noir. « Si, dit le chapitre XIII de cette charte draconienne, un enfant ou des enfans au-dessus de seize ans, et possédant l’intelligence, frappent ou maudissent leur père ou leur mère naturels, il ou ils sera ou seront mis à mort, selon l’Exode, 21, 17, — et le Lévitique, 20. » — Si, dit le chapitre XIV, quelque homme a un fils rebelle et entêté (stubborn), d’âge compétent et d’intelligence suffisante, lequel fils n’obéisse pas à la voix de son père et de sa mère, ses parens naturels doivent mettre sur lui la main et l’amener devant les magistrats, en prouvant qu’il est indompté, entêté, rebelle, qu’il ne cède ni à leur voix, ni à leurs châtimens, mais qu’il vit dans divers péchés notoires ; — alors ce fils sera mis à mort (shall be put to death). »

Le mensonge est puni du fouet, le blasphémateur est mis au pilori ; l’usage du tabac n’est pas traité moins cruellement. « Per-