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ministère de M. Martinez de la Rosa, en 1834, c’est-à-dire depuis huit ans environ. Mais avant cette époque elle existait de fait, sinon de droit, et on peut faire remonter son origine jusqu’à 1832, c’est-à-dire au changement de politique qui caractérisa la dernière année du règne de Ferdinand VII. C’est encore une des libertés dont l’Espagne est redevable à l’intervention de la reine Christine ; lorsque la jeune épouse du roi mourant commença à prendre la direction des affaires, l’émancipation de la presse fut, en même temps que l’amnistie, le signal de la régénération nationale. Depuis lors, la presse politique s’est fortifiée, et a pris une véritable importance au milieu des troubles qui tourmentaient le pays. Dans cette Espagne où personne ne lisait il y a dix ans, on compte aujourd’hui un grand nombre de journaux, dont la plupart sont lus, recherchés, et jouissent d’un certain crédit.

Cette révolution, car c’en est une, est peut-être le fait qui montre le plus combien la vieille Espagne se modifie sous l’empire des nouvelles lois et des nouvelles habitudes. Le goût de la lecture s’est propagé rapidement. Tel journal espagnol se débite aujourd’hui à quatre et cinq mille exemplaires ; et puisqu’on l’achète, c’est qu’on le lit. Les Espagnols de nos jours n’ont pas assez d’argent pour le jeter par les fenêtres. On peut évaluer à trente mille au moins le nombre actuel des acheteurs de journaux sur toute la surface de l’Espagne, ce qui suppose bien cent, cinquante mille lecteurs. En France, ce double chiffre est environ six fois plus fort, mais il faut remarquer que la population de l’Espagne est à peine la moitié de la nôtre, et que le gouvernement représentatif n’y est fondé que depuis huit ans, tandis qu’il a chez nous vingt-sept ans de durée.

Les journaux espagnols sont proportionnellement plus chers que les nôtres. Un journal de grand format coûte à Madrid 36 fr. par an ; un journal de petit format coûte 30 fr. L’affranchissement pour la province est de 2 fr. par mois, ce qui porte l’abonnement aux grands journaux, pour la province, à 60 fr. Or, l’impôt du timbre, qui double les frais de nos journaux, n’existe pas en Espagne. En outre, les plus grands journaux espagnols ne paraissent pas le dimanche, ce qui est une économie d’un septième sur les frais généraux. Voilà ce qui explique comment la presse périodique espagnole a pu se soutenir et même prospérer. Les honoraires des rédacteurs sont relativement à Madrid ce qu’ils sont chez nous. Les frais de tout genre, surtout les frais d’établissement, ont été considérables. Il a fallu faire venir presque tout le matériel de l’étranger, presses, caractères, papier même ; on a d’abord beaucoup emprunté à l’Angleterre ou à la France, aujourd’hui on se passe presque de ce secours.

En ce moment, on compte à Madrid seulement treize journaux politiques. Le plus ancien de tous, celui qui était le seul en 1830, est le journal officiel, la Gazette de Madrid : il est insignifiant comme tous les journaux officiels de tous les pays du monde.

Après la Gazette vient, dans l’ordre de l’ancienneté, l’Eco del Comercio.