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démie est d’ailleurs placée en dehors des attributions du ministère de l’instruction publique. Elle est régie par une conférence ecclésiastique soumise à l’inspection immédiate du métropolitain de Moscou. Elle a sous sa dépendance quarante-une écoles de paroisse, quarante-une écoles de district, et neuf séminaires secondaires. Ceci m’amène à parler de l’organisation du clergé russe. Il est divisé comme on sait en deux classes, désignées sous les noms de clergé noir et de clergé blanc.

Le clergé noir est celui qui se consacre aux pratiques de la vie religieuse dans l’enceinte des couvens. Tous les moines, à quelque ordre spécial qu’ils appartiennent, portent une robe noire appelée talar, un grand chapeau noir, rond, sans ailes, recouvert d’un voile noir pareil à celui d’une femme. La plupart entrent dès leur jeunesse dans le cloître, y reçoivent leur éducation, et montent de grade en grade. Les moines seuls peuvent arriver aux plus hautes dignités ecclésiastiques. Ils justifient ce privilége par des études plus larges et plus fortes que celles du clergé blanc, par une existence plus austère, et vouée à un célibat perpétuel.

Les membres du clergé nommé par opposition clergé blanc portent une longue robe brune boutonnée du haut en bas, recouverte d’un talar de la même couleur, à larges plis et à larges manches. Ils laissent, comme les moines, tomber leur barbe sur leur poitrine, et flotter leurs cheveux sur leurs épaules. Leur tête est couverte d’un grand bonnet en velours ordinairement brun, quelquefois rouge, et orné d’une bande de fourrure. Lorsqu’ils officient, ils se revêtent, ainsi que les moines, d’un costume beaucoup plus éclatant. Les richesses de nos églises catholiques ne sont rien, comparées à celles des églises grecques. J’ai déjà parlé de ces couronnes de diamans, de ces bouquets d’émeraudes et de rubis qui ornent les images des saints, de ces lames d’or et d’argent qui recouvrent l’iconostase. Chaque cloître, chaque grande église renferme un trésor, que la foule ne voit qu’en partie aux principales fêtes, mais que l’on déroule avec empressement les autres jours aux regards des curieux. Ce sont les chasubles, les chapes, les étoles des prêtres, les mitres des hauts dignitaires, tissues d’or et d’argent, parsemées de perles et de pierres précieuses. Une grande salle du couvent de Troïtza est du haut en bas remplie de ces vêtemens splendides, dons des princes et des empereurs, conservés depuis des siècles avec un singulier mélange d’orgueil et de piété. Le moine qui nous conduisait d’armoire en armoire nous regardait de temps à autre, comme pour jouir de notre surprise et de notre admiration. On eût dit une jeune femme étalant avec une joie naïve sa parure de fiancée et ses robes de bal. La robe à laine grossière de saint Serge, placée au milieu de ces richesses orientales comme un monument de l’antique humilité des cénobites russes, fait un étrange contraste avec les tissus d’or et de perles qui l’entourent. Plusieurs hommes du peuple qui s’étaient glissés à notre suite dans la chambre du trésor posèrent avec respect leurs lèvres sur cette robe. Aucun d’eux ne s’avisa de rendre le même hommage à la chasuble éblouissante des archevêques et des métropolitains.