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LA RUSSIE.

compact ou de plusieurs rayons de diamans ; le cou et la poitrine sont très souvent parsemés de saphirs, de rubis et d’émeraudes. Devant chacune de ces images sont suspendues des lampes d’argent que l’on allume aux jours de fête, des candelabres où des fidèles font brûler des cierges pour honorer le saint qu’ils invoquent ou pour donner plus d’efficacité à leur prière. Parfois ceux qui accomplissent cette œuvre pie se trouvent à une grande distance du lieu vénéré auquel ils consacrent leur hommage. Quand je partis de Pétersbourg pour Moscou, un Russe, qui venait de gagner un procès, me pria de faire brûler pour lui un cierge devant l’image de la Vierge qui orne la cathédrale de l’Assomption. Il y a des cierges à tout prix, pour toutes les fortunes et tous les degrés de piété et de reconnaissance. C’est l’église elle-même qui les vend, c’est le sacristain qui en recueille les restes pour les fondre de nouveau.

Mais toutes les richesses qui revêtent les murailles ne sont rien encore, comparées à celles de l’iconostase, haute et large barrière qui s’étend sur toute la longueur de la nef et s’élève parfois jusqu’à la voûte. C’est, comme son nom l’indique, une galerie d’images, ornées seulement de dorures dans les petites églises, couvertes, dans les grandes cathédrales, de tout ce que la dévotion a pu imaginer de plus splendide, et la générosité des empereurs, de plus éblouissant. Il y a trois portes à cette barrière : celles de droite et de gauche s’ouvrent facilement aux curieux ; celle du milieu, qu’on appelle la porte impériale, est presque toujours close : l’empereur et les prêtres qui officient ont seuls le droit de la franchir. Derrière cet iconostase est le sanctuaire. À l’heure de la messe, le prêtre est là devant l’autel qui dit les prières, fait les invocations, mêle dans le calice le pain et le vin. Pendant ce temps, les moines et les autres prêtres chantent dans le chœur. Leur chant n’est pas accompagné comme le nôtre de l’harmonie solennelle de l’orgue et ne se compose pas d’autant de psaumes et de versets. C’est, du commencement à la fin de l’office, la répétition presque continue de deux seuls mots, gospodi pomilui (Kyrie eleison), modulés sur tous les tons, depuis la basse la plus vibrante jusqu’au fausset le plus aigu ; puis une longue prière pour l’empereur et l’impératrice, pour leurs fils et leurs filles, leurs gendres et leurs parens.

Au moment de la consécration, la porte sacrée de l’iconostase s’ouvre ; on aperçoit le prêtre penché sur son calice, le sanctuaire resplendissant d’or et de lumière. Les fidèles se jettent la face contre terre, se relèvent, se prosternent de nouveau et redoublent leurs signes de croix. Ils n’apportent point de livres de prière à l’église et n’unissent point leur voix au chant des prêtres ; ils répètent seulement à voix basse le Kyrie eleison et manifestent leur piété par des prosternations et des signes de croix continus. La messe finie, le prêtre s’avance au bord de la nef et bénit l’assemblée au nom de la Trinité et de la Vierge, de saint Jean, de saint Joseph et de sainte Anne, de saint Antoine et de saint Nicolas et de tous les saints ermites.

Il n’y a pas de peuple qui reçoive plus de bénédictions sacerdotales que le