de portraits, de majuscules et de figurines. Comment n’ont-ils pas compris que l’attrait de curiosité, que le plaisir des yeux l’emporterait infailliblement sur la volupté laborieuse, patiente et réfléchie de la lecture ? Comment n’ont-ils pas compris que leurs œuvres illustrées ne s’adressaient plus qu’aux femmes et aux enfans, qui ne lisent qu’en feuilletant et qui traitent les livres comme des chiffons ? L’illustration est un symptôme de décadence littéraire. Il n’exista qu’un écrivain dans le siècle dernier qui eut l’idée de faire valoir ses ouvrages par la gravure : ce fut Dorat ; ce qui fit dire de lui qu’il se sauvait du naufrage de planche en planche. Sans nul doute, les estampes de Marillier et d’Eisen étaient fort habilement faites ; aussi bien arriva-t-il qu’on les achetait et qu’on laissait le livre à l’éditeur.
Les gravures d’ailleurs ne nuiraient pas au texte, ne rompraient pas l’unité d’impression nécessaire à toute lecture, que pour le seul effet matériel il faudrait les proscrire ; elles ne font que jeter le désordre dans les pages, elles dérangent cette harmonie régulière des lignes, à laquelle l’œil est habitué, qui fait disparaître à la lecture le souvenir du livre, qui nous laisse seuls face à face avec les personnages, les scènes décrites, et qui contribue beaucoup à la compréhension rapide des choses qu’on lit. Dans les éditions illustrées, au contraire, le regard est perpétuellement inquiété, excédé par cette multitude de figures qui se déroulent et qui renaissent les unes des autres ; on oublie, pour les regarder ou pour les éviter, la page précédente. Autant vaudrait rêver au milieu des cris et des mouvemens de la foule.
Notre époque, parmi beaucoup d’autres tentatives heureuses et malheureuses, veut trop souvent associer ce qui est du domaine des sens et ce qui est du domaine de l’esprit. Le drame moderne a cherché à inspirer de fortes émotions par les effets de décors et le secours des machines. Il en est résulté beaucoup de tragédies en toiles peintes, mais l’art s’est matérialisé en pure perte. L’action, l’émotion dramatique, ont perdu en intérêt tout ce que le regard du spectateur pouvait puiser de jouissances dans ces successions rapides de tableaux étalés devant la rampe et qu’un coup de sifflet faisait paraître et disparaître.
La fusion non-seulement d’arts antipathiques, mais même de ceux qui ont quelque analogie, a toujours paru impossible. L’un des deux se ruine le plus souvent dans ces sortes de commandites. Chaque art a son genre de beauté particulière. Si la peinture n’a véritablement