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DE L’AGRICULTURE EN FRANCE.

suffisans, l’emporte incontestablement sur la grande culture, qui en manque, et c’est ainsi qu’elles luttent en France, où nous voyons nos petites propriétés florissantes, productives, se vendant à de hauts prix et remboursant leurs acheteurs, et les grandes fermes, couvertes de jachères, exploitées par des cultivateurs malaisés : lutte qui conduit nécessairement à la vente et à la division des grandes propriétés.

Sur deux terres d’égale nature, la rente est proportionnelle au capital d’exploitation. Or, ce capital est divisé en grands lots en Angleterre, et chaque possesseur d’un de ces lots peut cultiver une grande terre ; il est divisé en petits lots en France : chacun de ceux qui en sont nantis ne peut cultiver utilement qu’une petite ferme ; s’il en cultive une grande, ce qui n’arrive que trop souvent, il le fait mal et improductivement. Voilà toute la question selon nous. Ainsi, voulez-vous arrêter le fractionnement du sol, n’en cherchez plus les moyens dans ces lois surannées et impopulaires qui violentent tyranniquement l’exercice du droit de propriété ; mais travaillez à augmenter le capital agricole, facilitez aux cultivateurs les moyens de se le procurer. Or, qui ne sait que jusqu’à présent tout a tendu à concentrer les capitaux disponibles sur d’autres entreprises, et que les bourses des capitalistes ne se sont ouvertes pour l’agriculteur qu’à des conditions qui lui en interdisaient l’usage ? Il y a sans doute de justes causes à cette préférence : le devoir du gouvernement est de les rechercher, de trouver les moyens de rétablir la confiance entre le capitaliste et l’agriculteur. On a proposé, pour atteindre ce but, un assez grand nombre de solutions toutes plus ou moins incomplètes : je me borne à dire que le ministre qui résoudra complètement ce grand problème aura plus fait pour la consolidation de la propriété que celui qui ferait adopter, en dépit du sentiment national, toutes les lois d’aînesse, de substitution et de limitation. Soustraire la charrue à l’usure, égaliser sous le rapport des capitaux la condition du travail agricole à celle des autres industries, c’est le plus grand service qu’un ministre de l’agriculture puisse rendre à son pays.

Un des moyens les plus assurés pour favoriser l’accroissement du capital agricole se trouve dans l’application des caisses d’épargne aux campagnes. C’est dans les villes seulement et dans un petit nombre de villes que le travailleur économe peut déposer ses épargnes ; aussi les campagnards n’entrent-ils pour rien dans les sommes accumulées à la caisse des dépôts. Ils continuent à amasser leurs petites économies jusqu’à ce qu’elles puissent payer le champ voisin