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cathédrale, il se rendit chez le visir Vedchi-Pacha, qui, avec un pompeux cortége, le mena sur la Save à la Djoumrouk (édifice de la douane), et l’investit solennellement de ses nouvelles fonctions. Le prince nomma aussitôt consul de commerce Alexa Simitj, et afin d’élever la magnifique douane actuelle, il donna l’ordre d’abattre sans retard les boutiques en bois des pauvres marchands de la Save, qui se trouvèrent ainsi sans toit, et auxquels le souverain n’offrit pas même un dédommagement. Ceux qui voulurent absolument garder les terrains où étaient leurs cabanes, furent obligés de les racheter 1,000 francs par toise carrée. Si la douane serbe avait été déclarée édifice national, on aurait au moins pu se dire : Les souffrances de quelques-uns achètent le bien de tous ; mais Miloch avait reçu de la Porte cette douane comme sa propriété privée, et il se garda bien de réparer envers ses compatriotes l’injustice du divan.

Bientôt tout le commerce d’exportation de la Serbie se trouva frappé d’impôts bien plus forts que sous la domination ottomane. Ces entraves inaccoutumées provoquèrent des protestations énergiques. Lésé dans ses droits les plus chers, le peuple réclamait à grands cris une assemblée nationale. Forcé de céder au vœu populaire, Miloch restreignit du moins le plus possible le nombre des députés, et les convoqua dans la ville où il avait le plus de partisans, à Kragouïevats. Il n’y eut d’appelés que dix kmètes par nahia ; quant aux capitaines, il y en eut un sur chaque district qui dut rester pour maintenir l’ordre. Ces députés, réunis le 1er février 1834, vinrent à la file baiser la main du kniaze, baiser que le gracieux souverain rendait à chacun sur le front. Puis le cortége se dirigea vers l’église où devait s’ouvrir la diète. Ne se reposant pas sur le respect que doit inspirer le saint lieu aux plus fougueux tribuns, Miloch l’avait fait entourer par ses canonniers et toute sa garde à pied et à cheval, chargée de surveiller les orateurs. Autour du prince, assis dans la nef avec sa famille sur un tribunal élevé, figuraient les évêques, les archimandrites, les archipopes, les hauts dignitaires civils. « Suivant l’usage des kniazes serbes parlant à la nation, Miloch se tenait debout, » dit le journal de Belgrad, où le représentant des idées françaises, Davidovitj, commençait à s’exprimer de plus en plus librement. De même qu’en France et en Angleterre tout le peuple recueille avidement les paroles du monarque ouvrant la session parlementaire, de même ici la multitude qui se pressait dans l’intérieur et autour de l’église écouta avec une attention profonde le discours du trône serbe. Nous citerons textuellement cette pièce curieuse.