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impôts se lèveraient isolément comme par le passé. Quant au droit du koulouk, les serdars furent chargés de veiller à ce que les capitaines n’exigeassent pas des paysans plus de jours de corvée qu’il ne leur en était dû, et ces corvées furent restreintes aux travaux champêtres, sans pouvoir s’étendre à la construction des moulins, hanes et boutiques. Pour l’administration, rien ne fut réglé, pas même les appointemens des administrateurs. Le lendemain l’assemblée envoya au prince sa lettre de remerciemens ainsi conçue : « Très gracieux hospodar, nous avons entendu de la bouche de votre grandeur et parfaitement compris les raisons pour lesquelles il ne vous a pas été possible de convoquer à la Saint-George la grande skoupchtina que vous nous aviez promise… Nous voyons bien nous-mêmes que le temps n’est pas propice, et qu’il faut remettre à un avenir plus heureux la réforme de notre patrie. Nous consentons donc, au nom du peuple, à payer les impôts comme par le passé jusqu’à la grande skoupchtina prochaine. » Le kniaze, satisfait, daigna se faire voir encore à l’assemblée, qui, congédiée le troisième jour, partit en bénissant le père de la patrie !

Deux diplomates français, le baron de Bois-le-Comte revenant d’Égypte, et le comte de Lanoue, secrétaire d’ambassade à Constantinople, avaient assisté aux séances de cette prétendue diète. À en croire la Gazette de Belgrad, ils admiraient surtout la prestesse des délibérations, qu’ils comparaient aux lenteurs des chambres françaises, où un mois entier se passe souvent à vérifier les pouvoirs des députés. Ces deux diplomates, chargés par leur gouvernement d’étudier la cour de Miloch, son pays et ses ressources, avaient parcouru plusieurs nahias, escortés d’une garde d’honneur et surveillés à leur insu par le drogman du prince, Tsvetko Raïovitj, le même qui avait accompagné partout l’officier prussien Pyrch. On conçoit que, voyageant sous de tels auspices, ils n’aient entendu qu’un concert de louanges en faveur du kniaze. Leurs entretiens avec Miloch eurent lieu par l’intermédiaire de M. Zoritj, ancien gouverneur des enfans du prince, et le seul homme en Serbie qui parlât passablement le français. Pour faire sa cour au tsar russe, Miloch s’exprimait sur Louis-Philippe et son usurpation en termes tellement grossiers, que l’interprète, craignant un scandale, se voyait forcé de traduire ces insultes en complimens auxquels les deux diplomates répondaient par de profonds saluts. Cette mystification se reproduisit pour plusieurs pachas et visirs ottomans : auprès d’eux, Miloch prenait pour drogman Alexa Simitj, Serbe lettré, qui, en interprétant