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les vendre à perte pour les remplacer chèrement plus tard, causes qui influent gravement sur les approvisionnemens en viande de nos marchés.

Quel bienfait pour l’agriculture du nord comme pour celle du midi si des fléaux naturels qui privent trop souvent le cultivateur du fruit de ses labeurs, on pouvait en éliminer un, le plus redoutable peut-être, si l’on pouvait lui promettre une fraîcheur moyenne de son sol, indépendante des saisons ! Quel est l’agriculteur qui ne bénirait la main qui le dispenserait de s’inquiéter désormais de la marche des vents et de l’absence des nuages, quand ses plantes altérées réclameraient le secours de l’humidité ? C’est donc la France entière qui doit devenir le champ des recherches et des travaux du gouvernement, appelé, par notre organisation sociale et politique, à se mettre à la tête de cette belle opération. Qu’il ne craigne pas de prendre ses modèles chez ces gouvernemens que nous croyons avoir beaucoup dépassés, mais qui ont encore des leçons à nous donner ; ces gouvernemens qui ont fait pulluler les hommes et les richesses sous les climats les plus ardens, ces gouvernemens de l’Inde, de l’Égypte, de la Perse, de l’Espagne maure, dont on admire encore les aqueducs, les canaux, les moyens d’irrigation, trop souvent, il est vrai, dans les débris qui en restent ; pays dont la prospérité aurait résisté à la conquête, comme la Chine, si avec l’indépendance n’avaient disparu aussi ces travaux qui leur apportaient la vie. Enfin, que notre gouvernement s’empare des moyens qui font la richesse de cette vallée du Pô, où, sans fabriques, sans commerce, sans industrie, cette richesse renaît sans cesse de ses cendres, dans ce pays, théâtre et victime éternelle des guerres de ses voisins. Voilà une grande œuvre à mettre à côté de nos chemins de fer ; elle reproduira les capitaux qu’ils nous auront coûtés, elle tempérera ce que l’autre a de trop hardi. Le jeune gouvernement de juillet montrera par là que son ardeur peut s’associer à une sage maturité, et que, s’il a beaucoup fait jusqu’ici pour l’industrie, il veut aussi payer sa dette à l’agriculture.

Afin d’accomplir les prodiges que nous appelons de tous nos vœux, il faut le double concours de l’intérêt privé et de celui de l’état ; mais pour que les individus se mettent à l’œuvre, il nous manque une législation qui aplanisse les obstacles qui s’élèvent toujours sous leurs pas ; il faut l’emprunter aux peuples qui ont eu les mêmes besoins que nous. Cette législation des peuples méridionaux nous manque encore ; on voit trop que nos lois sont faites au quarante-