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HISTORIENS MODERNES DE LA FRANCE.

études de droit et répandu alors dans des sociétés diverses, particulièrement dans le monde parlementaire, M. de Barante père garda toujours ses premières impressions contre le coup d’état Maupeou. Son ame, qui se formait à ce moment, y contracta pour jamais ce quelque chose de libéral, mais de sage, qui ne cessa pas d’être sa mesure au milieu des orages qu’il eut à traverser. Homme distingué d’ailleurs plutôt que précisément laborieux, de société plutôt que de cabinet, sachant et donnant beaucoup par la conversation, il appartenait à cette classe d’esprits éclairés que produisit avec honneur la fin du XVIIIe siècle. Même lorsqu’il fut retourné et fixé à Riom comme lieutenant-criminel du bailliage, il continua d’entretenir avec Paris des rapports fréquens que son mariage multiplia encore[1]. Ainsi nulle trace de rouille municipale dans cette vie d’Auvergne, mais l’étendue et l’aisance des relations, en même temps qu’une atmosphère morale et préservée. Comme nous l’avons déjà observé pour Mlle de Meulan et pour d’autres esprits influens sortis du même milieu, nous rencontrons ici un nouvel exemple d’un intéressant berceau placé dans cette haute classe moyenne, au sein de cette haute société administrative qui vivait avec l’aristocratie sans en être, et qui devait, dans la génération prochaine, la remplacer.

Sans entrer dans les détails d’enfance que nous savons écrits et retracés avec émotion par la plume la mieux informée et la plus fidèle, il convient seulement pour notre objet de remarquer que l’éducation première de M. Prosper de Barante fut plutôt domestique que scholaire. La révolution vint très vite interrompre les cours qu’il suivait au collége d’Effiat. Il vit son père arrêté, il l’allait visiter en bonnet tricolore dans la prison de Thiers, il salua sa délivrance inespérée avec bonheur : la leçon des choses prit le pas dans son esprit sur la lettre des livres ; et quand son père, profitant d’un premier instant de calme, le conduisit à Paris vers la fin de 95 pour y achever des études commencées surtout par la conversation et dans la famille, le jeune homme avait déjà beaucoup appris.

Le Paris politique alors en pleine bigarrure offrait un curieux spectacle ; il en ressentit d’abord l’intérêt. La pension où il fut placé le laissait jouir d’une certaine liberté ; l’éducation, ou ce qui s’affichait alors sous ce nom, était un confus mélange où les restes informes des anciennes connaissances s’amalgamaient à des fragmens de pré-

  1. Il épousa Mlle de Villepion, dont le père était dans les finances du duc d’Orléans.