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et des regrets amers de vingt peuples, ennemis quand ils étaient puissans, réconciliés depuis qu’ils ont perdu la force d’être libres ? Comme eux, la Flandre laissa passer une occasion précieuse, et devenue l’héritage d’un César maître des deux hémisphères, comme eux aussi, elle ne la retrouva plus.

Cependant un second élément national concourait à former le caractère de ce peuple dont le nom n’apparaîtra qu’au XIXe siècle. C’est dans les provinces wallonnes ou françaises que nous le signalerons. Là, au moyen-âge, il n’y avait pas de langue qui établit déjà une barrière naturelle entre des provinces dépendantes d’une même couronne, et justifiât jusqu’à un certain point leur séparation politique. On parlait, dans les comtés de Hainaut et de Namur, ainsi que dans l’évêché de Liége, l’idiome dominant en-deçà de la Loire. Le wallon actuel n’est autre chose que la langue d’oïl ou d’oui qui est tombée à l’état de patois en demeurant au fond du peuple. Nous ne doutons point que cette dégénérescence ne soit due aux circonstances qui rejetèrent une fraction de la famille française en dehors de la France politique. Pendant que la langue parlée par celle-ci suivait les progrès d’un état destiné à occuper un rang si élevé dans la civilisation, le vieil idiome s’immobilisait dans les extrémités mortes, pour ainsi dire, où ne circulait plus la sève du tronc principal. Ce serait une étude intéressante à faire que de rechercher, au moyen de la philologie, l’instant précis où les modifications de la langue d’oui s’arrêtent dans le nord, où elle y devient stationnaire ou plutôt croupissante sous la forme du wallon. Je suis convaincu que cet instant coïnciderait avec l’époque où l’action du foyer, jusque-là commun, cesse de s’y faire sentir, par suite des circonstances qui détachèrent définitivement ces provinces du reste de la monarchie.

La partie française de la Belgique n’a guère d’histoire propre au moyen-âge. Le Hainaut, le comté de Namur, le Luxembourg même, suivent la destinée de la Flandre, lorsque des alliances de famille les réunissent sous le sceptre d’un même seigneur. L’évêché de Liége, qui dépend de l’empire, a seul des annales intéressantes, et la vie municipale de la commune liégeoise offre des traits de ressemblance avec celle des grandes cités flamandes. Les Liégeois sont presque toujours en guerre ouverte avec leur évêque, qu’ils assiégent dans son palais épiscopal, qu’ils déposent parfois, et que parfois ils massacrent. Eux aussi lèvent des armées redoutables ; eux aussi, avec leurs piques et leurs maillets, ne craignent pas d’affronter sur les champs de bataille les lances de la gendarmerie bardée de fer. On cite d’eux