Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1843 - tome 1.djvu/995

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
989
LA BELGIQUE.

des actions d’un héroïsme sauvage, comme on en trouve dans toutes les luttes de la liberté, d’intrépides dévouemens qui n’eussent pas déparé les journées de Sempach et de Morat, mais qui n’ont point retenti dans l’histoire, parce qu’il ne suffit pas de l’enthousiasme du patriotisme pour illustrer un peuple : il faut que le sang de ses holocaustes ait rejailli sur l’autel de la civilisation et l’ait sanctifié, et jamais la postérité ne tient compte des sacrifices qui furent inutiles à la cause du genre humain. Comme on le voit, l’élément français, quoique partie constitutive de la nationalité belge, a moins de vie, de puissance et d’originalité que l’élément flamand. Mais, entre deux fragmens de peuple ayant passé déjà par les mêmes phases de l’indépendance communale, la fusion sera facile, et elle s’opérera peu à peu sous le régime des ducs de Bourgogne, lorsque, soudés l’un l’autre par une force supérieure, ils se seront accoutumés à vivre d’une vie commune, à partager les mêmes sentimens, les mêmes passions et la même fortune.

C’est ainsi que la Belgique actuelle pénètre par ses racines jusqu’au fond du moyen-âge, racines si vivaces, que, labourées avec le sol qui les avait reçues et toujours foulées sous les pas des conquérans, il en devait jaillir sans cesse des rejetons nouveaux. Maintenant il faut redescendre tout d’un coup jusqu’au XVIe siècle pour retrouver une seconde expansion de cette sève qui mérite de fixer nos regards. Les communes ne sont plus : le feu des discordes populaires s’est retiré de tous ces foyers épars pour aller se concentrer sur un plus vaste théâtre ; mais le génie de la liberté municipale a laissé trop de fermens d’agitation au sein des provinces belges pour qu’elles soient les dernières à se précipiter dans l’arène nouvelle des passions humaines. La réforme vient remuer le monde : des troubles éclatent aussitôt dans les Pays-Bas. C’est à ces troubles que la Hollande doit son origine et sa rapide splendeur : le rôle du peuple belge, qui retomba sous le joug de l’Espagne, s’en est trouvé obscurci. Cependant la lutte, de son côté, ne fut ni moins acharnée ni moins glorieuse. Peut-être la Providence ne voulut-elle pas qu’une nation continentale autant que maritime s’élevât aux portes de la France, car, si Philippe II et ses successeurs n’avaient point réussi à faire rentrer dans le devoir la partie méridionale des provinces révoltées, il n’y aurait eu qu’une république depuis les bords du Zuiderzée jusqu’aux portes d’Arras ; la réforme aurait accompli pour jamais ce que la diplomatie a tenté vainement de fonder en 1815. Les Hollandais alors différaient peu des Flamands, dont ils n’avaient d’ailleurs ni les richesses ni la célébrité ; une même