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où elle doit humblement se renfermer : ils n’ont pas encore essayé de lui faire sa part avec un sans-façon aussi despotique.

Puisque nous avons été conduits à nous occuper de nouveau de la Revue de Vienne, nous témoignerons toute notre surprise de la manière dédaigneuse et dénigrante dont M. Ponsard a parlé, dans sa lettre à M. Viennet, de cette ville et de cette revue. L’auteur de l’article inséré dans le dernier numéro de la Revue des Deux Mondes avait félicité M. Ponsard d’avoir foulé dès l’enfance cette terre à demi romaine, où la majesté du peuple-roi est empreinte dans d’impérissables ruines ; il l’avait félicité d’avoir passé sa jeunesse dans cette atmosphère érudite, au sein d’une petite colonie laborieuse et lettrée. Moins courtois envers sa patrie qu’un étranger, M. Ponsard, pour atténuer le tort de son irrévérencieuse appréciation d’Arbogaste, a sacrifié non-seulement sa prose, ce qui lui était bien permis, mais encore la ville et la Revue de Vienne. À l’entendre, ce qui l’absout, c’est qu’il n’a déposé son malencontreux jugement sur les poètes de l’empire que dans une petite revue d’une petite ville de province. Comment donc ! Vienne, une petite ville de province ! Vienne, cette ancienne métropole, riche de tant de monumens romains et du moyen-âge ! Vienne, qui a fourni les matériaux du magnifique ouvrage pittoresque de MM. Rey et Vietti[1] ! Vienne, si recommandable par son ardeur archéologique et littéraire ! Vienne, qui a déjà donné à la scène française un poète tragique distingué, M. Pichat, traitée de cette façon cavalière par un de ses enfans ! Et cette petite revue qui, suivant M. Ponsard, ne comptait pas cinquante abonnés, cette revue dont on fait si lestement les honneurs, il est bon qu’on sache qu’elle ne renferme pas seulement des proverbes et des contes persans signés F. P. ; on y trouve encore d’intéressans articles de biographie et d’histoire dus à MM. Colomb de Batines, Vital Berthin, Victor Teste, etc., et enfin et surtout de nombreuses et savantes dissertations archéologiques de M. Delorme, conservateur de la bibliothèque et du musée. Sans doute, M. Ponsard pouvait, s’il le trouvait convenable, se déclarer l’humble admirateur de la littérature impériale, et le reconnaissant serviteur des éloquens burgraves du Constitutionnel, à qui Lucrèce a rendu tout à coup la parole ; mais était-il nécessaire, pour prendre cette position peu enviable, de décrier le modeste et estimable recueil où l’on a fait ses premières armes, et de repousser si dédaigneusement ses collaborateurs qu’on vient de dépasser ? Pour nous, nous ne regretterons pas d’avoir fait connaissance avec la Revue de Vienne ; nous y avons trouvé de sérieux et utiles travaux. Et, afin de prouver à M. Ponsard que nous sommes bien éloignés de vouloir fouiller dans cette mine ouverte à tous, seulement pour y chercher matière à des critiques, nous extrairons du numéro de mars 1839 les vers que M. Ch. Magnin avait indiqués avec éloge dans son article sur Lucrèce. Le poète, dans cette épître à M. Delorme, parle de Vienne et de ses monumens avec un respect filial qu’il aurait dû se rappeler davantage en écrivant sa lettre à M. Viennet :

  1. Monumens romains et gothiques de Vienne en France.