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LE SALON.

compositions qui ne réclament que de la grace, des motifs ingénieux et le charme d’une exécution habile, comme il le prouva jadis par sa charmante Ondine, et l’an passé par ses Femmes au bord de l’eau. Il ne se soutint pas au même degré relatif de perfection dans sa Flagellation du précédent salon, et son Jérémie mérite la même remarque. On demande beaucoup à qui entreprend beaucoup. Sa composition, de trois figures seulement, est un peu maigre. La toile est vide, on dirait quelle attend quelques acteurs. Son prophète, enchaîné sur un roc, est censé dicter à Baruch son disciple, couché à ses pieds, une sinistre prophétie qui lui est soufflée à l’oreille par l’esprit divin, sous la forme d’un ange ; mais son geste et sa pantomime n’indiquent rien de cela. Pourquoi ce poing fermé, ces lèvres contractées et ces contorsions maniaques ? on le dirait saisi par le malin esprit, tandis que c’est un charmant adolescent qui lui parle. Quant à l’ange, son action, quoique un peu violente, est mieux justifiée par son rôle ; il menace, il maudit, il est l’ange exterminateur. Il nous semble que M. Lehmann a fait de l’exagération en croyant ne faire que de la force. Son dessin veut être grand, mais il est plein de petites recherches qui en ôtent le nerf. L’exécution est très étudiée, délicate et habile ; elle manque seulement de ressort et de physionomie. La couleur n’est ni fausse ni choquante, elle est nulle. Je ne sais si ce que je viens de dire est un éloge de cette peinture ; je le voudrais pourtant, car elle est en somme très estimable, et ne laisse à désirer que des qualités qu’on ne peut plus, à ma connaissance, demander aux peintres de notre temps.

La Madone de Mme Calamata serait bien meilleure si elle ne ressemblait pas tant à des choses meilleures encore. C’est là une peinture qui, par le goût de la composition, le style, les singularités, la couleur, révèle une imitation très voisine de la servilité. On pouvait par exemple éviter aux deux côtés de la scène ces deux moitiés de profils si maladroitement, quoique si curieusement, attachés à deux têtes de face. Il y a des exemples de cela dans les œuvres du maître qui a fourni les élémens de ce tableau, mais on pouvait se dispenser de cet emprunt. On préférerait surtout retrouver la fermeté et la pureté de son dessin, qui fait défaut sur trop de points, particulièrement dans les jambes, les bras, et les genoux du bambino, qui sont évidemment cassés. La figure de la Vierge est la meilleure ; elle est du type raphaélesque remanié par Ingres. Le sentiment en est doux, élégant et élevé. Le ton général est harmonieux ou peut-être simplement uniforme. Cette peinture a plusieurs degrés de mérite : de