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loin on dirait un tableau italien ; d’un peu plus près elle devient un tableau de M. Ingres ; de très près enfin c’est un tableau de Mme Calamata. Mais ce qui lui reste dans cette dernière transformation est encore suffisant pour qu’on ne se souvienne plus exclusivement des deux autres.

Avec le Saint Hubert de M. Cottrau, nous passons à l’antipode du morceau précédent ; nous entrons dans le domaine de la couleur et du clair-obscur. La composition est insignifiante. Saint Hubert à genoux devant un grand cerf dix-cors dont la tête est surmontée d’une croix lumineuse, n’a rien de bien intéressant ; il est d’ailleurs un peu éclipsé par la croupe de son cheval, qui se présente au spectateur de la manière la plus propre à être caressée. Il y a aussi une meute de chiens de toutes races fort bien caractérisés, ce qui est un mérite. Il y a le griffon, le basset, le chien d’arrêt, le chien courant, le lévrier. Nous recommandons cette toile aux chasseurs. Il faudrait un bien grand talent d’exécution pour faire passer tout cela pour de l’art. M. Cottrau n’en manque pas ; il se plaît, parce qu’il s’y entend, aux jeux de lumière, aux effets contrastans, mais il ne réussit qu’à demi, et il faut réussir tout-à-fait ; or, cela ne lui est pas arrivé cette fois, que nous sachions.

M. Bézard a composé une scène dont Raphaël se serait heureusement tiré. Un bel ange protége une ame innocente et l’arrache des griffes du diable. Il est des peintures sur lesquelles on ne trouve absolument rien à dire ; on ne peut parvenir à découvrir ce qu’il a ni ce qui y manque. L’auteur de celle-ci ne peut donc nous en vouloir de notre silence, et nous souhaitons même qu’il l’interprète favorablement.

Nous devrions peut-être observer la même réserve à l’égard de deux grands ouvrages signés de MM. Varnier et Jourdy. Le premier a représenté les douleurs du saint homme Job, qui, ruiné, couvert d’ulcères et couché sur un fumier, a l’agrément d’être querellé par sa femme, et catéchisé par trois de ses intimes amis, qui lui prouvent très bien que c’est lui qui a tort. Tout cela est dans le livre de Job et dans le livret du Salon, mais non sur la toile de M. Varnier ; nous n’y voyons que de grands corps d’un dessin lourd et fort équivoque, des expressions insignifiantes, des tons mous, froids et terreux. C’est une mésaventure de plus à ajouter à celles du saint homme. Quant à M. Jourdy, son Jésus au milieu des Docteurs a du moins les apparences d’une composition. On y sent une étude consciencieuse ; on y découvre des souvenirs des bonnes choses et la