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Page:Revue des Deux Mondes - 1843 - tome 2.djvu/115

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LE SALON.

bonne volonté de les égaler. Mais comment faire adopter quelques intentions heureuses avec une exécution si froide, si sèche et si terne ? En vérité, on ne sait plus aujourd’hui ce qu’est devenue la peinture. Que de bons tableaux nous aurions, si l’on n’eût oublié de les peindre ?

Si l’on ajoutait au grand martyre de M. Raverat la prestesse de main, la fantaisie souvent piquante, le faire facile, hardi, des Coypel, des Detroy, et autres peintres à fracas de l’autre siècle, il se ferait pardonner d’avoir adopté dans l’ordonnance de son sujet le goût de composition théâtrale de ces maîtres. Cependant on doit reconnaître ici un certain sentiment de la composition pittoresque, qui n’est pas du tout la composition, au sens littéraire, et dont le secret est à peu près perdu, avec bien d’autres.

Dans son Évanouissement de la Vierge, M. Pilliard est tombé dans quelques défauts de convenance historique et de composition que nous ne relèverons pas. Des expressions justes, des draperies étudiées et rendues avec goût, un dessin correct, quoique un peu indécis, une exécution habile, quoique trop méthodique, recommandent son ouvrage, qui ne doit pas cependant être loué jusqu’à l’admiration, et moins encore jusqu’à l’enthousiasme. La petite Sainte Famille de M. Cazes, provenant de la même école, est une production enfantine, qui serait naïve si elle n’était sans signification aucune.

Parmi une cinquantaine d’autres grandes toiles destinées aux églises du royaume, il nous serait difficile d’en trouver plus de trois ou quatre dignes d’être mentionnées. Nous placerons dans cette exception : le Christ en croix, de M. Simon Guérin, remarquable par la justesse et l’énergie de la pantomime des saintes femmes, et par une certaine vigueur d’exécution qui parfois dégénère en dureté ; le Christ mort ou Pietà, de M. Coutel ; la figure de la Vierge est d’un beau jet et d’un beau sentiment comme expression et comme ajustement ; l’Ensevelissement du Christ, de M. Perignon, dont la composition offre des parties très satisfaisantes ; le Saint Joseph, de M. Cornu, peinture sage et savante ; le Christ et les apôtres Jacques et Jude, de M. Lestang-Parade ; le Sauveur et Marthe, de M. Forcy, et l’Ecce Homo, de M. F. Boissard. Nous ne louons pas tout dans ces œuvres d’artistes, dont plusieurs en sont à leurs premières armes, mais nous préférons n’y voir que ce qui est louable.

Cette liste des peintures religieuses est bien courte, et elle aurait pu, sans inconvénient, être réduite. Les autres genres nous fourniront une plus grasse récolte.


L. Peisse.