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cialement dans les attributions et dans les devoirs des propriétaires, et que les landlords, jouissant, sous la protection de l’état, de toute l’influence traditionnelle attachée à la propriété territoriale, étaient tenus d’élever la population qui dépendait d’eux dans la connaissance et dans le sentiment de ses devoirs envers Dieu et envers son pays. Mais une autre raison encore, c’est qu’en général les campagnes sont restées sous l’influence de l’église, et que c’est surtout dans les grands centres d’industrie que le dissent a propagé ses doctrines.

C’est donc de ce côté que l’église dirige son mouvement de réaction ; et, en rendant obligatoire la présence des enfans à ses écoles du dimanche, elle attaque directement, comme nous l’avons déjà dit, la propagande des dissidens. Les écoles du dimanche, ouvertes par les méthodistes, sont leur plus puissant moyen d’influence ; elles sont pour eux une pépinière féconde et permanente de prosélytes. Quelqu’opinion que chacun, au point de vue particulier de sa religion, puisse avoir du méthodisme, on ne peut s’empêcher de respecter le zèle et le désintéressement avec lesquels les wesleyens propagent les doctrines qu’ils considèrent comme vraies. Il y a en ce moment, en Angleterre, à peu près dix-sept cents écoles du dimanche dont la grande majorité appartient aux dissidens, et, dans la plupart de ces écoles, les maîtres remplissent gratuitement leurs fonctions. Beaucoup de jeunes gens, hommes et femmes, consacrent leur dimanche à l’instruction religieuse des pauvres. Ils l’ont fait pendant nombre d’années, ils ont recueilli les enfans que l’église établie laissait dans l’ignorance, et voici qu’aujourd’hui cette église, éveillée par le sentiment du danger qu’elle court, veut leur enlever le fruit de tant d’efforts et de tant de sacrifices. Cependant l’église, de son côté, maintient son droit absolu, et sir Robert Inglis répond : « Je rends justice au bien opéré par les dissidens, mais je ne puis laisser dire qu’il faut supprimer nos écoles du dimanche parce qu’elles auront pour effet de ramener dans le sein de l’église ceux qui ont trouvé un refuge dans les écoles des dissidens alors que nous n’en avions pas. »

Nous avons cru devoir traiter cette question avec quelque étendue, parce qu’on peut y saisir le véritable sens de la constitution religieuse de l’Angleterre. En voyant la quantité innombrable de communions, de sectes et d’associations différentes qui surgissent et pullulent au-delà de la Manche, on pourrait être porté à croire que l’Angleterre est la patrie de la liberté religieuse. Or, on y trouve partout la liberté, cela est vrai, mais l’égalité, nulle part. On est convenu d’appeler l’église d’Angleterre église protestante, mais, on ne saurait trop le redire, le protestantisme, en Angleterre, c’est le dissent. L’église établie n’a rien de commun avec le libre examen et le jugement individuel. Si toutes les sectes sont libres en Angleterre, ce n’est pas parce que l’église est protestante, c’est parce que l’Angleterre est un pays libre ; elles naissent et vivent sous l’empire de la liberté civile, et non pas sous celui de la liberté religieuse.