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L’ÉDUCATION RELIGIEUSE EN ANGLETERRE.

C’est pourquoi si, dans la question qui vient de nous occuper, la raison et la justice sont pour les dissidens, la logique et le fait sont pour l’église. Les partisans de la liberté religieuse disent : Vous n’avez pas le droit de prendre l’argent de tous pour enseigner la religion de quelques-uns à l’exclusion de la religion de tous les autres. Les fonctions de l’église et de l’état sont très distinctes. L’état, ou le gouvernement, représente le pays ; il le protége contre l’agression du dehors, contre le désordre au dedans. L’état doit donc être un et entier ; il est l’affaire de tous. Mais l’église, c’est-à-dire la religion, est l’affaire de chacun.

L’église répond : Nous n’admettons pas cette séparation de l’église et de l’état. La loi n’est pas athée ; l’état a une conscience ; il est tenu d’appliquer sa conscience à la recherche de la vérité religieuse, et du moment où il adopte les doctrines de l’église établie, il est tenu de les enseigner, ou tout au moins de n’en pas enseigner d’autres. Autoriser l’enseignement des doctrines dissidentes dans les écoles de l’état, c’est reconnaître législativement le dissent. Dès ce moment, il n’y a plus d’église nationale.

L’église a d’autres argumens encore, des argumens constitutionnels. La reine, le jour de son couronnement, a juré de maintenir de tout son pouvoir la religion établie. Elle y est obligée non-seulement par sa conscience, mais aussi par contrat passé avec la nation. Les conseillers de la couronne, en se faisant les propagateurs de doctrines opposées à celles de l’église, manquent à la conscience et au serment de leur souveraine. « Et, disait l’évêque d’Exeter, ceci n’est point une interprétation forcée du serment royal ; on ne peut y échapper par aucune subtilité… C’est une question très simple et très droite de fidélité ou d’infidélité à un engagement très direct et très intelligible. »

Ainsi donc, tant que la constitution anglaise restera ce qu’elle est, l’église aura pour elle la règle, et tout ce qui sera en dehors d’elle ne s’appuiera que sur l’exception. Le souverain s’appelle le chef de l’église, et a pour exergue fidei defensor ; il tombe en forfaiture s’il change de religion. C’est la constitution elle-même qui repousse le principe de la séparation de l’église et de l’état ; et le jour où l’on voudra établir en Angleterre l’égalité religieuse, il faudra commencer par émanciper la conscience de l’état.


John Lemoinne.