Page:Revue des Deux Mondes - 1843 - tome 2.djvu/165

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
159
LETTRES SUR LA SESSION.

la politique du cabinet. La victoire n’a pu être obtenue par les boules, il faut qu’elle le soit par les principes, et la chambre, qui ne s’est pas donnée à des noms propres, est toute prête à se ranger sous la bannière que déploierait devant elle une opposition constitutionnelle attachée à la révolution de juillet, amie de la liberté, loyale, ferme, disposée à résister aux ultras de toute couleur et de toute robe. Ce parti d’opposition modérée, contigu à la majorité actuelle, dont j’ai démontré la faiblesse numérique, présente une réunion notable d’hommes distingués, orateurs, administrateurs, financiers. Il renferme, j’ose le dire, plus d’élémens de force et d’influence que le parti ministériel. Je n’aime pas à citer des noms propres, mais personne ne pourrait contester l’autorité décisive qu’exerceraient sur la chambre, s’ils s’y consacraient, les hommes placés à la tête des diverses nuances de l’opposition conservatrice. Tous les élémens d’un parti de gouvernement s’y trouvent, ils ont seulement besoin d’être coordonnés, guidés, mis en mouvement. Ce doit être l’œuvre des chefs ; il faut que l’opposition ait des directeurs, ses ministres en quelque sorte, comme le parti ministériel. Voyez en Angleterre la conduite de l’opposition à toutes les époques. Sous le ministère whig, M. Peel n’avait-il pas déjà toute l’autorité d’un premier ministre ? En ce moment, lord Palmerston, lord John Russell, n’ont pas abandonné la partie, et marchent à la tête de leurs amis politiques. Ces exemples sont décisifs. L’opposition constitutionnelle doit se considérer elle-même comme un gouvernement, et concerter ses efforts pour l’être réellement à son tour. Je crains que des habitudes fâcheuses n’y dominent souvent. Parmi ceux qui sont appelés, par leur talent, leur position, à la diriger, les uns cèdent à un dégoût de toutes choses, naturel peut-être, mais condamnable ; ils croient avoir payé leur dette, si, de loin en loin et dans de solennelles occasions, ils ont prononcé quelque harangue applaudie. Les autres font consister toute leur tâche à diriger contre le pouvoir qu’ils combattent des critiques incessantes et de violentes attaques. La chambre veut davantage, elle veut entendre souvent les voix qui exercent sur elle une autorité reconnue, et elle aimerait à profiter, en toute circonstance, des conseils de ses membres les plus éminens. Tout en comprenant une réserve nécessaire et l’ignorance inévitable de certains faits officiels, elle exige de ceux qui prétendent à l’honneur de la diriger des avis en même temps que des censures et des solutions en même temps que des critiques. Il est bien vrai que l’opposition ne gouverne point, et j’ai blâmé, dans la dernière crise, ceux qui demandaient leur programme aux députés désignés comme pétendans au pouvoir ; mais chaque question a sa théorie, chaque affaire sa conclusion vraie : c’est de l’ensemble des opinions successivement émises dans les discussions, que se compose le système de chaque parti, et la chambre les prend pour base de sa confiance ou de son éloignement, de sa sympathie ou de ses répulsions.

En ce moment, les opinions, dans la chambre, sont mouvantes et mal as-