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Page:Revue des Deux Mondes - 1843 - tome 2.djvu/167

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LETTRES SUR LA SESSION.

appelée à intervenir dans la diplomatie pour la préserver des faiblesses et des mécomptes, dans la constitution de la force publique pour organiser l’armée et la flotte, dans les grands travaux pour assigner une juste part à l’état et à l’industrie privée, dans les finances pour y rétablir l’ordre et l’équilibre, dans toutes les branches du gouvernement pour assurer le règne des saines doctrines et des bons principes. Le ministère a planté le drapeau français dans de lointaines possessions, quels sont ses projets et ses vues ? L’Afrique, depuis treize années, est conduite sans plan arrêté, au jour le jour. Chaque année, elle est arrosée du sang de nos enfans et engloutit des sommes immenses ; quel système y veut-on faire prévaloir ? Voilà ce que l’opposition doit demander sans cesse au gouvernement, les travaux dont elle doit se préoccuper, les sujets par lesquels elle parviendra à gagner la confiance publique. Les chefs que chaque fraction du parti constitutionnel aime à suivre n’hésiteront pas sans doute à donner l’impulsion, et ceux que le découragement serait prêt à saisir sentiront qu’ils se doivent à leurs amis, et que l’autorité politique ne se mesure pas seulement au talent, mais encore aux services rendus et à l’activité des efforts.

C’est à ce prix seulement que nous parviendrons à fonder en France le gouvernement parlementaire, car jusqu’ici, je ne crains pas de le dire, nous ne le possédons pas. Je ne veux pas, en exprimant cette opinion, faire revivre la discussion qui s’engagea, il y a plusieurs années, sur les attributions respectives de la couronne et des deux chambres. Le jour où la chambre des députés saura exercer son pouvoir et se livrera sérieusement à la pratique du régime constitutionnel, ces débats d’attributions disparaîtront, et la question sera jugée.

L’Angleterre jouit du gouvernement parlementaire : voyez-le fonctionner dans ses assemblées politiques ; entrez dans son parlement. Là, point de vaines représentations, point de sacrifice à l’éclat théâtral. Ces hommes sérieux et calmes qui discutent entre eux, simplement, sans emphase, se livrent à un travail réel et cherchent avant tout les résultats et le but pratiques. La session s’ouvre : la couronne a parlé ; dès le lendemain, les lords et les communes sont en mesure de lui répondre. Aussitôt après, ils entrent en plein dans les affaires ; les questions se succèdent et sont discutées sans de longs délais. Chaque membre exerce une initiative qui n’est contestée par personne ; tous les grands intérêts du pays sont étudiés, débattus, approfondis. Affaires étrangères et intérieures, guerre et diplomatie, expéditions navales, colonies, impôts, commerce, industrie, tout subit cet examen qui ne se repose jamais et n’oublie aucun détail. Sur chaque objet, les ministres s’expliquent, exposent leurs idées, racontent leurs actes, produisent les documens demandés. Si le parlement éprouve un doute et veut s’éclairer, il ordonne une enquête ; s’il trouve un principe utile qui soit méconnu et doive être proclamé, il le publie à la face du pays dans une résolution et le place solennellement dans le code politique de la nation. Le gouvernement dispose d’une majorité qui