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REVUE DES DEUX MONDES.

On éprouve quelque embarras à se faire une idée exacte du genre de protectorat consenti à notre profit par la souveraine et les chefs des îles Taïti. Lord Aberdeen a paru raisonner comme si cette protection emportait l’idée d’une souveraineté pure et simple. Nous croyons en effet qu’il ne s’est guère trompé, car voici, si nos renseignemens sont exacts, et nous avons tout lieu de le croire, les principales dispositions provisoirement convenues entre la reine Pomaré et le contre-amiral commandant les forces françaises dans l’Océan pacifique.

Un conseil de gouvernement est établi à Pape-Iti, capitale de l’île. Ce conseil, composé de deux officiers français et présidé par le consul de France, est investi du pouvoir administratif et exécutif et des relations politiques extérieures, des états de la reine Pomaré ; une proclamation, publiée le 15 septembre, règle les formes des délibérations de ce conseil, et réserve à la décision personnelle du roi des Français, par voie de recours ou appel, les affaires les plus importantes, et entre autres l’exécution de toute sentence emportant peine de mort. Jamais assurément souveraineté ne s’exerça d’une manière plus patente et plus complète. Attendons, du reste, la publication des documens officiels, qui ne saurait tarder désormais.

Appuyé sur ses succès dans l’Océan Pacifique, et sur la lassitude momentanée de l’opposition, lassitude dont elle vient de donner des preuves signalées dans la discussion des crédits supplémentaires de 1842 et 1843, le ministère peut attendre avec quelque sécurité les débats d’affaires qui vont s’ouvrir. Les projets qui, comme celui des patentes et des pensions civiles, donneraient lieu à des difficultés sérieuses, seront renvoyés à une autre session. Résigné à une défaite sur la loi des sucres, on le dit peu disposé à accepter une étroite solidarité dans les échecs que pourraient éprouver certains projets émanés du ministère des travaux publics. C’est ainsi qu’avec quelque habileté et beaucoup de résignation, il traversera l’épreuve où étaient engagées ses destinées, et qu’il sortira vainqueur d’un combat qui n’a pas été livré, faute de combattans. Cela fait, son sort restera dans ses mains, et le pays jugera si les fautes du passé ont profité à l’avenir.


V. de Mars.