Page:Revue des Deux Mondes - 1843 - tome 2.djvu/19

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
13
LES DEUX RIVES DE LA PLATA.

condé la Bande Orientale, continue à s’y porter presque exclusivement. Les Basques français et espagnols, les Canariens, les Sardes, les Galiciens, qui ne cessent d’y arriver, trouvent du travail dès qu’ils débarquent. Les Basques pavent la ville, construisent les maisons, font des chaussures et des habits, prennent de petites boutiques, se répandent dans les saladeros. Les Canariens cultivent les jardins des environs de la ville, et ont introduit un élément nouveau dans la nourriture des habitans de ces contrées, qui autrefois mangeaient encore plus de viande que maintenant. Les Sardes font le cabotage, travaillent dans le port et tiennent des cabarets. À cette population d’ouvriers, qui arrive par masses et qui vient chercher du travail à Montevideo, il faut ajouter un nombre sans cesse croissant d’industriels et de petits marchands que l’esprit d’aventure et l’espoir de faire fortune y pousse de préférence. Quand nous nous occuperons de Buenos-Ayres, nous parlerons encore de la population étrangère qui se multiplie sur les deux rives de la Plata. Cependant c’est à Montevideo que la basse classe de cette population entre pour une plus forte proportion dans la population générale, et à tel point que plusieurs personnages politiques du pays commencent à en manifester quelque inquiétude. Comme la plupart de ces étrangers trouvent de l’emploi dans la ville, il a déjà été question de prendre des mesures pour que les nouveaux arrivans se répandent dans la campagne ; mais le gouvernement s’est montré plus libéral et plus éclairé. Il laisse faire, bien convaincu que cette émigration européenne enrichit le pays, multiplie ses ressources, donne à ses productions plus de valeur, et provoque un développement de commerce qui augmente d’une manière sensible les produits de la douane. En même temps, il a cherché à tirer parti des étrangers pour sa défense ; il a cherché à les enrôler pour repousser l’invasion dont la Bande Orientale est menacée par le général Rosas et l’ancien président Oribe. Toutefois il s’est vu forcé de renoncer à son projet, tant par la résistance des agens étrangers que par la répugnance des émigrans eux-mêmes à prendre les armes pour une cause qui n’est pas la leur ; car ces pauvres gens ne sont pas allés là pour se battre, mais pour vivre et faire fortune. Cependant les efforts même que le gouvernement de Montevideo fait pour engager les étrangers, et surtout les Basques, qui sont les plus nombreux, à prendre les armes, ont dû leur révéler leur force. Pour peu qu’ils se comptent, ils doivent voir qu’on ne les vexerait pas impunément, et qu’ils sont en état de se